A ce jour, j’ai retrouvés la description d'une centaine d’entre eux,
dans les contrats de mariage ou inventaires après décès passés devant notaires.
Le plus ancien date de 1634 :
« un lit fourny » (Contrat de mariage [CM] Barberel/Barré, 1634, Orne)
La mention la plus récente d’un lit de mes ancêtres date de
1915 :
« un lit composé de son bois, une paillasse, une ballière*, deux couettes et
une couverture estimée 50 fcs » (Inventaire après décès [IAD] Roy Joseph, 1915, Deux-Sèvres)
Mais avant tout arrêtons-nous un instant sur « qu’est-ce
qu’un lit ? » Si la question peut paraître un peu saugrenue à nos
oreilles modernes, on verra qu’il n’en n’a pas toujours été ainsi.
Au XVIIème siècle, le terme de lit n’est pas le plus courant
pour définir le meuble où l’on dort. Le lit a d’abord désigné le matelas, ses
draps et couvertures. Tandis que mot de couche signifiait la structure du
meuble, la menuiserie. Puis, par évolution sémantique, le terme couche a
commencé à désigner le meuble dans son ensemble.
Le lit est marqué d’une symbolique forte. C’est le lieu des
étapes essentielles de la vie : de la naissance à la mort, en passant par
le mystère de la nuit de noce et le refuge du malade.
« laquelle étant dans son lit malade, indisposé de son
corps mais libre d’esprit et d’entendement » (Testament Gobin Anne, 1810,
Deux-Sèvres)
Le lit se fabrique ou est offert pour le mariage. Il se
transmet par delà la mort.
« une chambre garnie du lit avec matelas et
autre meubles necessaires » (CM Turand Geraud, 1687, Aveyron)
« d'un lit fourny d’une couette,
traversin, oreillers, couverture, courtine et président de lit et d'autre linge
sellon que l'on a coustume de donner a la fille que l'on marie et sellon la
maison d'ou elle part et celle ou elle va » (CM
Deschamps/Fourée, 1653, Orne)
« a ladite Soulié ledit Turlan donne […] une
chambre garnie d’un lit et matelas » (Testament Turlan Geraud, 1721,
Aveyron)
« un bois de
lit » (Partage de la succession Astié/Chivalié, 1868, Aveyron)
D’ailleurs je
peux parfois suivre les lits de génération en génération ; par exemple
avec ce lit décrit dans l’IAD de François Châtelain en 1841 (Maine et Loire) :
« un lit
à quatre colonnes garni de sa paillasse, un matelas, une couette de coutil*, un
traversin, deux oreillers, deux draps et deux couvertures piquées, rideaux,
pente* et dossier* en ras* vert, carrée* et vergettes* ; prisés ensemble 130 fcs »
Lit que l’on
retrouve 10 ans plus tard au décès de sa femme, Marie Rouault :
« Un lit
à quatre colonnes avec carrée et vergettes, garni d’une paillasse, d’une
couette, deux autres couettes en mauvaise plume, un traversin, trois oreillers
et leurs taies, deux draps, un autre oreiller, un couvrepied, une couverture en
laine verte, rideaux pentes et dossier en ras vert estimé à 100 fcs »
Et enfin après
le décès de leur fils Jean baptiste après son décès en 1858 :
« Un lit
à quatre colonnes avec carré et vergettes composé de : une paillasse, deux
couettes, un traversin, deux oreillers, deux draps, un couvre pieds piqué, une
couverture en laine verte, rideaux pente et dossier en ras vert, le tout prisé
135 fcs »
On remarque
une prisée plus basse en 1851 mais d’une manière générale, tous les meubles de
Marie sont estimés moins chers que ceux de son mari et, plus tard, de son fils
(sic !).
Le lit est le meuble décrit le plus attentivement dans les
documents notariés. On en trouve dans toutes les pièces de la maison :
« dans la chambre principale au rez de chaussée se
trouvant au milieu de la maison d'habitation, un lit à la duchesse » (IAD
Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)
« [dans
l'étable] un lit composé d'une paillasse, une couette et deux draps et une
couverture prisé à 10 fcs » (IAD Lemasson Jeanne, 1859, Maine et Loire)
« à côté
de la laiterie un lit composé de son bois en chêne » (IAD Bregeon Jacques,
1883, Deux-Sèvres)
« dans la chambre des hommes deux lits de
domestique prisé 40 fcs » (IAD Bourry Clémentine, 1906, Deux-Sèvres)
« dans la cuisine
un lit à quenouille » (idem)
« un lit dans le
fournil » (IAD Rabaud Pelagie, 1853, Deux-Sèvres)
« un lit auprès de
la cheminée » IAD Gabard Jean, 1844, Deux-Sèvres)
« Dans la
principale chambre à cheminée un lit à quatre colonnes » (IAD Châtelain
JB, 1858, Maine et Loire)
« Dans une chambre froide un lit à quatre
colonnes » (idem)
« Dans une écurie un bois de lit et une paillasse prisé
6 fcs » (IAD Rouault Marie 1851, Maine et Loire)
Et pourtant on ignore tant de choses à propos des
lits : leur taille, l’épaisseur des matelas, les usages qui y sont liés (à combien
dormait-on dans un même lit ?)…
Le lit concentre par ailleurs de nombreux fantasmes, lié à
son double caractère intime et public (notamment chez les grands de ce monde).
Un lit est composé de trois éléments : le bois, le
coucher et la garniture.
- Le bois est la
structure de menuiserie du lit. On l’appelle aussi châlit (ou charlit en Anjou).
« un charlit de
bois noyer garni » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)
Le bois de lit n’a guère changé par rapport à nos lits
contemporains : un cadre monté sur pieds. Le vide central est comblé par
une « enfonçure » fixée au cadre, composé d’un entrelacs de cordes ou
de sangles soutenant un ensemble de planches (l’équivalent de nos lattes de
lits modernes). En Anjou on appelle ce
dispositif « fonçailles ».
« un bois de
lit à quatre colonnes garni de ses fonds et fonçailles » (IAD Bouguié Michelle,
1825, Maine et Loire)
Le lit est toujours en bois, même si les essences peuvent
varier (généralement en noyer, parfois en chêne, exceptionnellement en hêtre).
« à côté de la laiterie un lit composé de son bois en chêne » (IAD Bregeon
Jacques, 1883, Deux-Sèvres)
« un bois de lit en noyer » (IAD Rols
Alexandre, 1859, Deux-Sèvres)
Parmi les lits de mes ancêtres je trouve aussi du bois blancs (bois clairs comme le peuplier ou le sapin) ou d'autres essences :
« un lit à bateau composé de son bois en cerisier, une paillasse, deux couettes, un traversin, rideau
avec couronne le tout estimé 160 fcs » (IAD Roy Joseph, 1915,
Deux-Sèvres)
« un lit complet composé
de son bois en bois blanc » (IAD Guetté Alexandre, 1853, Deux-Sèvres)
« Un bois de
lit en sappin estimé six francs » (IAD Janvion Claude, 1796, Ain)
« un bois de lit en frêne […] une table de
nuit en frêne » (IAD Rols Alexandre, 1859, Deux-Sèvres.
Le lit en fer est d’une apparition beaucoup plus récente
(fin de l’Ancien Régime).
« un lit
en fer, une paillasse, un matelas, un traversin, un oreiller et un édredon, un
couvrepieds piqué, une table de nuit en bois blanc, une paire de draps, une
taie d'oreiller, le tout prisé 32 fcs » (IAD Rols Alexandre, 1859,
Deux-Sèvres)
La paillasse est
une grande housse de toile, assez grossière, remplie de paille. Elle joue le
rôle d’isolant thermique. Elle constitue un premier matelas, en quelque sorte. Elle
peut être, selon la richesse du lit, être remplacée par un sommier rembourré de
crin. Mais elle ne peut en aucun cas constituer la seule strate du
coucher : il lui faut au moins une couche moelleuse.
« un autre bois de lit à quatre colonnes garni de sa
paillasse… » (IAD Pillet Jacques, 1842, Maine et Loire)
Le matelas,
proprement dit, est l’une de ces strates : il se trouve donc par-dessus la
paillasse. Il est constitué de deux grands morceaux d’étoffes qui contiennent
une garniture de bourre ou de laine. La première est grossière (reliquat de
poils provenant du travail des tanneurs) tandis que la seconde est de qualité
supérieure et plus onéreuse.
« un lit à quatre colonnes avec carrée et vergettes
composé d'une paillasse, un matelas en laine et crin… » (IAD Lemasson
jeanne, 1852, Maine et Loire)
« un matelas piqué en laine et filasse » (IAD Bourry Jacques, 1828, Deux-Sèvres)
Les couettes (ou
coettes) sont de grandes pièces d’étoffe avec un remplissage souple, réalisées
dans des matériaux d’une plus grande finesse. En général il s’agit de plumes
contenue dans du coutil (toile chanvre ou de lin, souvent mélangée de coton,
lissée et serrée). On les appelle parfois lit de plumes et coutil. En Anjou se
coutil se dit couety. C’est une sorte de matelas plus raffiné, prenant place au
sommet de la pile, confortable mais pas indispensable. Ils sont parfois
appelées lits (et, ce faisant, pouvant prêter à confusion).
« une couette ensouillée de toile de couetty remplie de
plumes d'oye, une autre couette de mauvaise toile remplie de plumes de
volailles » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)
Traversins et
oreillers sont aussi des pièces de coutils bourrées de plumes (qui peuvent être
d’oies, de volailles ou « de plumes mêlées »). Le premier
occupe toute la largeur du lit, comme on l’entend aujourd’hui tandis que le second est de forme carrée. Ils sont
recouverts d’une taie, aussi appelée souille (on les dit alors
« ensouillés »).
« une couette et un traversin de plume avec leur couty
vieux et usés… » (IAD Boissinot Modeste, 1817, Deux-Sèvres)
« un traversin et un oreiller aussi ensouillé de toile et garni de plumes d'oye »
(IAD Joulain René, 1719, Maine et Loire)
Les couvertures complètent le coucher. On en distingue de
plusieurs sortes. La courtepointe
est une couverture piquée de parade, couvrant les traversins et tombant
jusqu’au sol (l’équivalent de notre dessus de lit moderne).
« une courtepointe aussi en indienne doublé de toile… »
(IAD Châtelain François, 1841, Maine et Loire)
Les couvertures, ou couvertes, sont en laine, garnies de plumes,
enveloppant la couche et tombant jusqu’à terre. C’est peut-être un dessus de
lit mois élaboré. La différence est mince avec la précédente et sans doute se
sont-elles confondues parfois. Il existait de nombreuses variantes de couvertures : de parade (pour les lits où l'on reçoit), en fourrure, en poils de chèvre, etc... Les couvertures en laine sont sans doute proches de celles que nous connaissons.
« pour le lit
nuptial deux couvertes facture de Montpellier » (CM Turland/Deveze, 1684,
Rouergue)
« trois
couvertures en laine blanche et verte, et un couvrepieds piqué » (IAD Rols
Alexandre, 1859, Maine et Loire)
La mante
est un dessus de lit supplémentaire, aux dimensions toutefois plus réduites que
la courtepointe.
« une mante de sarge* brune » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)
Elle est sans doute proche du couvre-pieds : deux tissus piqués, doublés de plume ou de laine, de la taille d'une demi-couverture.
Les draps sont parfois prisés à part dans les inventaires.
Ils peuvent être aussi nommés linseuls, linceux.
« Sept draps de lit tant bon que mauvais estimés sept
livres » (IAD Janvion Claude, 1796, Ain)
- La garniture est
le dernier élément du lit.
Si les menuiseries peuvent être décorées (plutôt de manière
exceptionnelle toutefois pour les lits du commun) c’est davantage les étoffes qui font l’objet de toute
l’attention. Elles sont le marqueur du confort et de l’apparat. Elles sont
soigneusement décrites dans les inventaires. Tandis que le bois de lit ne
compte que pour un dixième de la valeur totale du lit, c’est le textile qui
compte le plus.
La garniture permet de clore entièrement l’espace de la
couche, assurant à la fois le rôle d’isolateur thermique, de lumière et
assurant un minimum d’intimité.
Le ciel est une
étoffe tendue horizontalement au-dessus du lit.
« ciel et tour de lit et rideaux en coton » (IAS
Guetté Alexandre, 1853, Deux-Sèvres)
Le lit à housse est constitué d’étoffes descendants du ciel
de lit jusqu’au sol. On le différencie du lit à rideaux, ou courtines, dont les pans de tissus s’accrochent sur une
tringle par le biais d’anneaux en fer (appelés vergettes en Anjou). On nomme
aussi ces rideaux « pentes » ou « grandes
pentes ».
« rideaux et pentes en vieille toile » (IAD Châtelain
Jean Baptiste, 1858, Maine et Loire)
Elles peuvent être au nombre de trois à sept, s’il y a un
jeu de rideaux à l’intérieur et un autre à l’extérieur. Elles peuvent être de
différentes natures, selon la richesse du foyer : d’indienne, de velours,
de damas, peuvent être garnies de franges, de crépines (bordure
passementée, frange ouvragée formant des torsades, des houppes, etc.)… On les
trouve aussi sous le nom de tour de lit.
« un tour de lit a deux pans de toile
blanche » (CM Jay Claude, 1709, Haute Savoie)
« …lesdits
rideaux d’étoffe de pays et de la couleur commune » (CM
Mommaton/Avalon, 1692, Aveyron)
Tous s’étalent autour du lit, permettant de le clore et de
préserver à la fois intimité et chaleur.
Le dossier (ou
dosseret) désigne spécifiquement le rideau qui est situé à la tête du lit. Il apparait
rarement seul.
« rideaux, pentes et dossier en ras vert » (AID
Marie Rouault, 1851, Maine et Loire)
Dans le cas de lits à rideaux, la garniture est aussi
composée d’une bande de tissus d’une vingtaine de centimètres, située à la
jonction entre le ciel et les rideaux, faisant le tour du ciel et servant à
cacher les tringles, appelée pente ou tour de lit (sic).
« un tour de lit a franges » (CM
Prost/Bondet, 1753 Ain)
A noter : la notion de tour de lit a
évolué au fil du temps : on le voit désigner d’abord ce que l’on appelle
ensuite soubassement (dissimulant le châlit), puis il s’applique à l’ensemble
des rideaux sans tringle (la housse), ou le lé de tissus cachant la tringle et
parfois la menuiserie elle-même. On dit aussi « entour de lit ».
« un entour de lit avec ses pendants de filet et laine » (CM Moccand Jean Michel, 1719, Haute Savoie)
Lorsque le tour de lit désigne les rideaux mais qu'il ne comporte que deux courtines au lieu des quatre réglementaires, on le qualifie de demi tour de lit :
« un demy tour de lit » (CM
Gautier Michel, 1693, Orne)
Bien que je n’en trouve pas dans les documents concernant mes
ancêtres, les lits peuvent avoir aussi un soubassement
(autre pièce d’étoffe, masquant le bois de lit), des fourreaux (qui habillent les colonnes de lit), des bonnes grâces ou cantonnières (pièces
de tissus destinées à cacher les pentes lorsqu’elles sont ouvertes pendant la
journée, placées aux angles du lit).
En général soubassement, fourreaux et pièces extérieures
sont de même étoffes et couleurs, constituant un véritable ensemble. La
courtepointe, elle, peut être de nature différente.
Dans les documents de mes ancêtres on
trouve différents types de tissus :
« deux rideaux de lit en crétonne* imprimée » (IAD Rols Alexandre, 1859,
Deux-Sèvres.
« tour de lit et ciel de lit en coton » (IAD Guetté
Alexandre, 1853, Deux-Sèvres)
« quatre linceulx
toille de pais, et lesdits rideaux detoffe de pais et de la couleur commune »
(CM Mommaton/Avalon, 1692, Aveyron)
« un demi tour de lit de thoile bon
et suffisant » (MC Langlois/Dugué, 1708, Orne)
« un tour de lit de toile tainte »
(IAD Joulain René, 1719, Maine et Loire)
« rideaux, pentes et dossier en droguet* vert » (IAD Châtelain
François, 1841, Maine et Loire)
« rideaux, pente et dossier en ras vert » (idem)
« rideaux, pentes et dossier en siamoise* flanelle »
(IAD Lemassin Jeanne, 1858, Maine et Loire)
« des rideaux et petit tour de cadis* » (IAD
Boissinot Modeste, Deux-Sèvres)
« ciel de lit en indienne* » (IAD Bregeon Jacques,
1883, Deux-Sèvres)
Les couleurs peuvent être détaillées.
« un tour de lit de mauvaise toile à quarreau » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)
« une couverture de toile grise » (IAD Bouguié Michelle, 1825, Maine et Loire)
« rideaux pentes et dossier en ras rouge «
(IAD Lemasson Jeanne, 1859, Maine et Loire)
« un tour de lit de toile barrée, deux couvertures de laine dont une
blanche et l'autre brune » (IAD Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)
« une mante de sarge brune […] un tour de lit de sarge sur fil sous
couleur verte » (idem)
« un tour de lit en ras vert, ciel, dossier, ses pentes en
indienne fond [ ?] rouge » (IAD Châtelain François, 1841, Maine et
Loire)
« une couverture de laine verte »
(IAD Bouguié Michelle, 1825, Maine et Loire)
La couleur verte est souvent présente dans les lits (une douzaine de lits sur les 32 identifiés en Maine et
Loire par exemple), mais j'en ignore la raison.
« rideaux bleus »
(IAD Gabard Jean, 1844, Deux-Sèvres)
« rideaux bruns » (idem)
« rideaux et tour à
carreaux rouges et bleus, ciel et dossier en indienne rouge » (IAD Rabaud
Pelagie, 153, Deux-Sèvres)
« rideaux tour et
dossier bleu, ciel gris jaune » (idem)
« tour et rideaux
en coton rouge » (IAD Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)
« lesdits rideaux
couleur de musc » (IAD Avalon Jean, 1701, Aveyron)
La couchette, déclinaison de couche, caractérise un meuble plus
petit, de préférence pour les enfants.
« un autre bois de lit en forme de couchette, composé d'une couette, d'un
traversin, garni de leurs coutys, un loyer (lodier ?) en laine, très usé, avec
une couverture piquée la laine, de toile couleur grise, le tout estimé 100 fcs »
(IAD Boissinot Modeste, 1817, Deux-Sèvres)
Exceptionnellement la
mention lit d’enfant :
« deux bois de lits
d'enfants » (IAD barbot Marie, 1800, Maine et Loire)
Ou de domestique :
« un lit de
domestique composé de son bois, paillasse, couette, traversin, draps,
courtepointe le tout estimé la somme de 50 fcs » (IAD Gabard Jean, 1844,
Deux-Sèvres)
On distingue le lit à chevet simple de celui à chevet
double : le premier a son chevet (la tête) parallèle au mur (aussi nommés
lit de bout), le second a ses chevets perpendiculaires au mur (ou lit de
travers).
Plusieurs noms servaient à distinguer les lits, marqués notamment par la structure suspendue
au plafond ou soutenue par des colonnes qui domine la couchette et de laquelle
pend les rideaux : pavillon, châssis, ciel, impériale, baldaquin.
Ainsi le lit se décline en différentes typologie :
- lit à colonnes (ou quenouilles ou piliers) : lit avec des colonnes supportant le ciel ou dais de la même taille que le lit. Les colonnes sont arrondies ou cannelées, tandis que les quenouilles sont fuselées et renflées au milieu et les piliers sont carrés ou chanfreinés. Les trois sont fréquemment pris l'un pour l'autre. Se dit aussi lit à baldaquin, ce dernier désignant le dais au dessus de la couche.
Lit à colonnes, Encyclopédie Diderot
- lit à impériale : Lit surmonté d'une structure en
forme de dôme
Baldaquin et impériale sont fréquemment pris l’un pour l’autre,
rendant difficile la représentation du lit ainsi décrit. Impériale peut aussi
être pris comme synonyme de ciel de lit.
- lit à pavillon : Plus petit que la couchette qu’il
surmonte, le pavillon est de forme circulaire et ses rideaux forment tente.
- lit à la chartreuse : Lit clos.
« un lit à la chartreuse [… ]
une douzaine de linceux, deux couvertes » (IAD
Moccand/Curton, 1737, Haute Savoie)
- lit à la duchesse : Lit surmonté d'une structure fixée au
plafond, de même dimension que le lit.
« dans la chambre principale au rez de chaussée se trouvant au milieu de la
maison d'habitation, un lit à la duchesse composé de son bois en cerisier, une
paillasse, deux balières, quatre couettes, trois traversins, trois oreillers,
un couvrepied, tour et rideaux en coton rouge, ciel de lit en indienne, carrée
en bois, vergettes en fer, le tout estimé 200 fcs » (IAD, Bregeon Jacques,
1883, Deux-Sèvres)
Lit à la duchesse, Encyclopédie Diderot
- lit à la polonaise : Lit de travers (voir plus haut) à deux
chevets surmonté d’une impériale, en générale de forme ovale, et qui doit être
d’un tiers plus petite que la couchette. L’impériale est portée par quatre
courbes en fer formant un S.
Lit à la polonaise, Encyclopédie Diderot
- lit à la romaine : Lit de travers à deux chevets et baldaquin de dimension inférieure à la couche. Se confond parfois avec le lit à la polonaise.
Lit à la romaine, Encyclopédie Diderot
- lit à pavillon : Lit surmonté d'une structure circulaire, de
plus petite dimension que le lit, dont les rideaux forment tente.
- lit à tombeau : Lit à baldaquin dont les colonnes disposées à
la tête du lit étaient plus hautes que celles du pied, induisant une
inclinaison vers le pied de la structure supérieure.
Lit à tombeau, Encyclopédie Diderot
- lit à bateau : Lit dont le flanc présente une courbe
concave.
« un lit à bateau composé comme les précédents estimé 160 fcs » (IAD Roy Joseph, 1915, Deux-Sèvres)
Et encore des lits de camps, en baignoire, à la matelote, à arc, etc...
A noter : tous les lits ne sont pas à baldaquin. Si les
« hauts piliers » désignent les supports du ciel de lit, les
« bas piliers » en revanche soutiennent seulement le bas de la
couche. Toutefois ces derniers peuvent être aussi dotés une garniture en étoffe
(c’est le cas des lits à la romaine par exemple).
Exceptionnellement dans les archives familiales, un lit sans rideaux :
« un autre mauvais bois de lit sans vergetttes ni
rideaux, garni seulement d'une couette ensouillée de grosse toile presque mi
usée, un traversain aussi ensouillé de toile de peu de valeur rempli de plumes
mélées, deux draps de grosse toile de six aulnes le couple, une mauvaise
couverture de toile barrée le tout estimé la somme de 20 livres » (IAD
Courtin Antoine, 1760, Maine et Loire)
« un autre bois de lit garni d'un lit de plume et d'un traversin avec leur
couty à grandes rayes vieux et usés, d'un matelas piqué en filasse, d'une
mauvaise couverture piquée en filasse, sans rideaux, le tout estimé avec deux
draps 95 fcs » (IAD Bourry Jacques, 1828, Deux-Sèvres)
Dans les documents en ma possession la taille des lits n’est
jamais mentionnée. Toutefois, selon les études des lits parisiens, ils mesurent
en moyenne 190 cm sur 120 cm et 200 cm sur 140 cm pour le
lit double, voire pour certains 180 et 195 cm de longueur et 180 cm de large (donc
proche de la forme carrée). Quoi qu’il en soit, on remarque que les tailles des
lits étaient proches de celles d’aujourd’hui, et non pas petits comme on
l’affirme souvent parce que l’on y dormait assis. La hauteur n’est jamais
précisée, d’autant qu’elle varie selon le nombre et la qualité des strates
détaillées plus haut (pour la couche) ou de la hauteur du plafond (pour le lit
avec son baldaquin).
Les bois de lit sont rarement mentionné seuls : coucher
et garniture l’accompagnent. S’ils ne sont pas décrits, le rédacteur mentionne
simplement « un lit garny ».
« trois lits
garnis à l’usage du pays de valeur de trente six francs » (CM Mas/Dounet,
1816, Aveyron)
En Normandie (Orne actuel) je trouve le terme de
« fourny » au lieu de garni.
Je compte au maximum 7 lits dans un foyer (IAD de Joseph Roy en 1915). En 1906, dernier recensement avant son décès, le foyer (une ferme dans les Deux Sèvres) est composé de lui-même, son épouse, ses parents, 3 frères et sœurs, ses 4 enfants et 1 domestique (8 adultes et 4 enfants).
Le lit le plus cher est prisé à 200 francs :
« dans la chambre principale au rez de chaussée se trouvant au milieu de la maison d'habitation, un lit à la duchesse composé de son bois en cerisier, une paillasse, deux balières, quatre couettes, trois traversins, trois oreillers, un couvrepied, tour et rideaux en coton rouge, ciel de lit en indienne, carré en bois, vergettes en fer, le tout estimé 200 fc » (IAD
Bregeon Jacques, 1883, Deux-Sèvres)
Le moins cher valait 10 francs; il était situé dans une étable (sans aucun doute pour un domestique) :
« un lit composé d'une paillasse, une couette et deux draps et une
couverture prisé à 10 fcs » (IAD Lemasson Jeanne, 1859, Maine et Loire)
Bref, on distingue de nombreuses variantes,
formelles ou locales. Un mot étant pris parfois pour un autre (ou évoluant au fil du temps), il est parfois
difficile de se faire une idée précise des lits de nos ancêtres.
Les mots suivis d'un astérisque font l'objet d'une définition dans la page lexique de ce blog.
Sources :
Lits historiques. Première anthologie des lits européens du XVe au XIXe siècle, Collectif, In Situ, revue des patrimoines
HAVARD, Henry : Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration depuis le XIIIème siècle jusqu’à nos jours (Gallica)