Suite du parcours de Jean François Borrat-Michaud : tous les tweets du mois de septembre sont réunis ici.
Ne disposant, comme unique source directe, que de sa fiche matricule militaire, j'ai dû trouver d'autres sources pour raconter sa vie. Ne pouvant citer ces sources sur Twitter, elles sont ici précisées en notes. Les photos sont là pour illustrer le propos; elles ne concernent pas directement Jean François.
Sa fiche militaire indique une période "Intérieur" après sa mobilisation et avant d'aller "Aux armées". J'en déduis que c'est la période où il fait ses classes.
Tous les éléments détaillant l'instruction militaire sont issus de "L'infanterie en un volume, Manuel d'instruction militaire" (Librairie Chapelot, 1914) trouvé sur Gallica.
Toutes les personnes nommées dans les tweets ont réellement existé.
___
1er septembre :
- Avec les jumeaux Jay on se retrouve sous le Gros Tilleul, peut-être
pour la dernière fois. On se regarde sans rien dire : c’est notre tour.
2 septembre :
- Le Gouvernement quitte Paris et se réfugie à Bordeaux !
Gouvernement militaire de Paris, Gallica
3 septembre :
[ 1 ]
- Les travaux de la moisson se sont effectués d’une manière un
peu près normale et je pense que la rentrée des regains s’accomplira de même.
- Nous le devons au prix de gros efforts des non mobilisables
de la cinquantaine, aidés des vieillards, enfants et femmes.
4 septembre :
- Chaque jour ma mère guette le facteur avec angoisse. Elle
redoute cette lettre fatidique qui va lui enlever son fils.
5 septembre : [ 2 ]
- Après l’hécatombe, on embarque les blessés du front au petit
bonheur, sans destinat°
fixe, ds ts les trains qui repartent vers l’intérieur.
- Entassés dans des wagons à bestiaux avec un pansement
sommaire, on les envoie vers des destinations inconnues.
- Des trains bondés arrivent dans une ville où il n’y a plus
de lit disponible.
- On retire et les morts et le convoi repart toujours plus
loin, vers le Centre et le Sud.
6 septembre :
- En attendant mon départ imminent, je reviens sur les lieux
de mon enfance, pour m’en imprégner encore une fois.
Samoëns, vue générale, Delcampe
- Peut-être la dernière fois…
7 septembre :
- On a appris que les taxis de Paris ont été réquisitionnés
pour convoyer les soldats vers le front de la Marne.
Taxis de la Marne
- Quel drôle de spectacle ça a dû être.
8 septembre :
- Je viens de recevoir mon ordre de mobilisation : ce sera donc le 97e
RI. [ 3 ]
- Ce sont des savoyards :
je ne serai pas trop dépaysé.
- Joseph Jay est parti !
un jour avant moi, donc :
ils l’ont envoyé au dépôt de Bourges, dans un régiment d’aérostation.
- Son frère Alphonse, bien que jumeau, n’est pas encore
mobilisé. Sa santé est fragile :
partira-t-il ?
9 septembre :
- Je prends Marie Louise et Armand dans mes bras et nous nous
serrons à nous étouffer pour nous dire au revoir.
- Mon père, une main sur mon épaule, dit que, quoi qu’il
arrive, il est fier de moi.
- Ma mère tente d’essuyer ses larmes avec un coin de son
tablier. En vain.
- Je me rends à la gare de Samoëns, direction Chambéry.
La gare de Samoëns, 1907, "Hier à Samoëns"
- Cette fois, ça y est. C’est parti…
- Arrivé au 97ème RI ledit jour. Me voilà soldat de
2ème classe.
10 septembre
- A la caserne, nous commençons à faire nos classes. Des
classes accélérées, avant d’être envoyés au front.
Caserne curial, Chambéry, Delcampe
11 septembre
- A la caserne les
nouvelles recrues et moi on apprendra tout ce qu’il y a à savoir pour manœuvrer
et combattre.
- On sera apte à entrer en campagne quand on saura utiliser
nos armes et qu’on pourra faire des longues marches avec tout notre barda.
12 septembre
- Je retrouve un copain de Samoëns : Paul Corbet. On est les seuls du
canton à avoir été affecté au 97è RI.
- Malheureusement les jumeaux Jay ne sont pas avec moi.
13 septembre
- Les exercices et leurs durées sont variés. Chaque exercice
commence par un rassemblement des gars, rapide et en silence.
- Ensuite c’est l’appel et l’inspection de la tenue, des
armes, des cartouchières. Gare à celui qui n’est pas au carré !
14 septembre
- J’ai fait la connaissance de Désiré Collomb Clerc et Raoul
Chappelet. Ils dorment dans les lits voisins du mien au dortoir.
- Ils ont arrivés au 97è 3 jours avant moi. On est des bleus !
- Désiré est cultivateur à La Clusaz. Raoul ne parle que
d’aviation. Il est élève aux Arts et métiers à Cluny.
15 septembre
- Les exercices se font le plus souvent possible à l’extérieur
de la caserne, en terrain varié.
Manœuvres militaires, 1908, Gallica
16 septembre
- On nous enseigne que, sur la place d’exercice comme sur le
terrain, la rapidité ne doit jamais être recherchée au détriment du bon ordre.
- Éviter la précipitation qui compromettrait la bonne
exécution des manœuvres.
17 septembre
- Le silence doit être rigoureusement être observé pendant les exercices et les manœuvres.
- C’est pas toujours facile pour les plus bavards d’entre
nous !
18 septembre
- Le commandant a une drôle de façon de parler, la voix haut
perchée et en allongeant légèrement es dernières syllabes.
- Il paraît que c’est comme ça qu’il faut faire...
19 septembre
- La plupart du temps on marche au pas cadencé, lors des exercices.
Manœuvres militaires, 1908, Gallica
- Mais si on s’est bien tenu, on peut recevoir l’ordre de marcher sans cadence.
20 septembre
- En premier on a appris le garde à vous (bras tendu
verticalement) et les différents pas.
- C’est maintenant acquis.
21 septembre
- Une journée consacrée au pas gymnastique : bas demi-tendu,
poignet à hauteur de l’épaule, en élevant et abaissant la main verticalement.
22 septembre
- Maintenant, pour changer, c’est pas de charge : exécuter plusieurs
fois la rotation du bras.
23 septembre
- Demi-tour :
le bras tendu verticalement en exécutant un moulinet du poignet.
- Une fois ça va, pendant plusieurs heures, pfff...
24 septembre
- Raoul n’arrive jamais à se rappeler ; c’est pourtant simple : un coup de sifflet
long c’est garde à vous ;
un bref c’est en avant.
25 septembre
- Aujourd’hui on a passé la matinée à faire les différentes
charges :
baïonnette au canon, à genou, etc.
26 septembre
- Raoul s’est fait
tancé : il a
fait des pas cadencés plus long que les 75 cm de rigueur, désorganisant la
colonne !
27 septembre
- L’exercice du jour c’est les mouvements de l’arme : au pied, à
l’épaule, reposer arme, à la bretelle.
28 septembre
- Et toujours des mouvements de tir : charger l’arme dans différentes
positions, la décharger et la réapprovisionner.
29 septembre
- Dans la caserne on est un peu à l'écart, mais ça ne nous
empêche pas de nous inquiéter du climat ambiant.
30 septembre
- Savoir manœuvrer rapidement la culasse lors de l’inspection
des armes et des cartouchières est plus difficile qu’il n’y paraît.
- L’apprentissage du métier des armes n’est pas si facile,
surtout quand on sait qu’on va aller au feu dans un délai sans doute fort court.
[ 1 ] Indicateur de la Savoie du 29 août 1914
[ 2 ] Inspiré de L. Jouhaud :
souvenirs de guerre
[ 3 ] Je ne dispose pas de l'original de ce document : je l'ai "inventé" grâce à un logiciel de traitement de photos. Le modèle de base est disponible sur le site Europeana 1914/1918.
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