La vie est courte... Une histoire à trois personnages, trois visions des événements, trois épisodes. Voici le n°2.
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Lundi premier juin 1772
Claude était triste : il disait adieu à sa mère Barthélémière.
Je suis si jeune encore. Quatorze ans, c’est trop tôt pour être orphelin… et me laisser. Heureusement il y a mes frères. Et le père. Dommage que ma sœur Jeanne soit partie, elle qui m’a si souvent gardé et consolé quand le père était trop dur.
Été 1773
Oh ! J’ai le dos brisé. La récolte cette année a été particulièrement difficile à faire. Pourtant j’ai l’habitude : je fais ça depuis tout petit. Mais cette chaleur qui nous accable et la poussière qui pique les yeux et nous fait tousser.
- Veux-tu un peu d’eau ? demanda Marie Françoise qui faisait la tournée avec un sceau et une louche, prête à désaltérer ceux qui besognait dur au soleil.
- Bien volontiers ! Merci, répondit Claude.
Ils bavardèrent un moment. Ce n’était pas tant pour la porteuse d’eau que pour la pause, mais toute occasion était bonne à prendre.
Heureusement qu’il y a cette eau il fait si chaud ! Enfin, c’est terminé. Et on aura tout rentré avant la pluie qui menace. Tant mieux !
Léon-Augustin Lhermitte © wikipedia
Lundi 7 février 1774
Un soir mon père m’appela :
- Claude viens ici ! J’ai discuté avec le père Alombert : tu vas épouser sa fille. C’est prévu pour lundi prochain.
- Quoi ? Mais enfin je la connais à peine. Et je ne veux pas me marier. En plus elle est beaucoup trop vieille !
- Pardon ? Tu oses me contredire devant tout le monde ? J’ai dit que tu allais te marier et tu vas le faire. De toute façon tout est arrangé : tu ne voudrais pas me faire revenir sur une promesse ? Pour qui je passerai moi ? Et puis elle n’est pas si vieille.
- Mais…
- Ça suffit ! J’ai dit ! Fin de la discussion. Et maintenant va te mettre au travail : personne ne fera tes tâches à ta place !
C’est comme ça qu’il m’a appris la nouvelle. En allant nourrir les bêtes la colère me submergea.
Je suis trop jeune pour se marier, je n’ai même pas 16 ans. Je ne suis pas encore un homme. Et puis, la fille Alombert c’est à peine si je la connais, j’ai juste discuté quelques fois avec elle, entre voisins quoi !
Lundi 14 février 1774
Dans la petite église Saint Blaise, et devant ses paroissiens assemblés, le curé de Lalleyriat maria Claude Beroud Maure, 15 ans, et Marie Françoise Alombert Goget, 18 ans.
Le marié était en colère.
Dimanche 9 février 1783
Le père de Claude agonisait : il n’allait pas tarder à rejoindre feue Barthélémière.
Claude était toujours en colère contre son père qui lui avait imposé ce mariage si jeune. Même si aujourd’hui, à 24 ans, la différence d’âge se faisait moins sentir avec son épouse. Celle-ci était sur le point de donner naissance à leur cinquième enfant. Quoi qu’il arrive, il décida de ne pas assister à ses funérailles.
L’an XIII de la République française e t le quinzième jour de Germinal (jeudi 4 avril 1805)
Claude ne saura jamais qu’en ce levant ce matin-là il ne verrait pas le coucher du soleil, la mort l’emportant, mettant fin à une vie assez brève (il n’avait que 51 ans). Il n’eut pas le temps de faire le bilan de son existence. L’eût-il fait il se serait aperçu que sa défunte épouse lui manquerait. Celle qu’il ne voulait pas épouser à 15 ans, qui lui avait donné 11 enfants et l’avait quitté trois ans plus tôt. Il n’était plus en colère, juste nostalgique d’une jeunesse passée trop vite.
La suite demain…
Retrouvez la série complète :
#2 Le marié
Vite ! A demain.
RépondreSupprimerTrès bonne idée que cette approche
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