« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 24 novembre 2023

10e bloganniversaire

Cela fait dix ans aujourd’hui que j’ai ouvert ce blog. Et un peu plus du double que je fais de la généalogie. 

 

Dessin de la généalogiste et de son chat


Je me souviens, en avril il y a dix ans, j’étais alitée, souffrant d’un mal idiopathique (c'est-à-dire qui n’a pas de cause connue). Il faudra 6 ans de plus pour qu’enfin soit posé le diagnostique de fibromyalgie (douleurs chroniques, fatigues, céphalées). En attendant, je  surfais sur internet quand je suis tombée sur la première édition du ChallengeAZ (à cette époque il avait lieu au printemps). Cela m’a vraiment donné envie d’y participer. Mais l’édition était déjà en cours : trop tard pour 2013.

Néanmoins l’idée ne m’a pas quittée. Elle a mûrie doucement pendant l’été. Le temps de créer un blog avant tout. Et pour cela d’abord trouver un nom : j’ai dressé une liste de vocables associés à la généalogie (foyer, mémorial, archive, souche, vieil, récit, ancêtres, etc…). J’ai choisi « Murmures d’ancêtres ». J’aimais bien cette idée que mes aïeux me transmettaient leurs histoires à bas bruit, un fil ténu comme un murmure, qu'on ne peut entendre que si l’on y prête attention, si on le recherche.

Ensuite il a fallu se renseigner sur un hébergeur, la solution qui m’était le mieux adaptée. Puis adopter un template et une identité visuelle (au début mon blog était marron foncé, comme le tronc d'un vieil arbre, écrit en blanc, puis il est devenu vert, comme les feuillages d’un arbre, avant d’adopter les couleurs actuelles en 2020).

Petit à petit, je me suis aussi auto-formée au codage informatique : par exemple je voulais une ligne d’onglets ouvrant sur les différentes pages ; ce que mon template ne proposait pas. Qu’à cela ne tienne ! j’ai cherché sur internet une solution qui me convenait et hop ! (je dis « hop », mais ça a été un peu plus compliqué que cela en fait…).

Et en novembre j’étais prête ! Le 24 je publiais mon premier article intitulé Portrait, un article tout simple, suivi d’une Généalogie animée.

Je remercie à la fois la généalogie et le blog qui me permettent souvent de m’évader, de penser à autre chose, lorsque la douleur me tient dans ses griffes.


Au cours de cette décennie, je vous ai transmis ce que m’ont murmuré mes ancêtres. Ils sont actuellement 12 827 à m’accompagner. 32 générations d’hommes et de femmes qui m’ont précédés, depuis les environs de l’An Mil (merci la branche noble !) jusqu’à nos jours.

Des nobles et des petites gens. Des fratries nombreuses, très nombreuses, comme Pierre Le Masson et Louise Brichet, qui ont eu 17 enfants, nés entre 1733 et 1755 (soit en 22 ans), record de ma généalogie pour une seule union. Mais aussi des filles-mères de génération en génération, une probable centenaire, une mariée bien trop jeune et un père bien âgé. Des proches ou des personnes totalement oubliées de la mémoire familiale.


J’ai vu de belles signatures : nombreuses, anciennes, avec des fioritures, hésitantes...

Signatures des ancêtres


J’ai découvert des pratiques qui paraissent bien étonnantes aujourd’hui, comme ce prénom Jean donné à 6 générations de la même famille, les Pochet (fratrie et prénoms composés compris soit 10 individus) – sans compter les Jeanne. Je me suis armée du Bescherelle de la généalogie pour ne pas être prise au dépourvu.

Entre les lignes, j’ai décelé de tristes histoires. J’ai eu affaire à de véritables bêtes féroces. Mais aussi de belles émotions.


J’ai participé à des défis mensuels, annuels, alphabétiques (le défi du ChallengeAZ bien bien sûr, vous l'aurez reconnu : celui qui m'a donné envie de me lancer dans cette aventure et que je n'ai jamais cessé de relever au fil de ces dix ans). A des rencontres improbables avec mes ancêtres, qui m’ont permis de m’adonner à mon goût pour l’écriture. J’ai joué avec les mots. J’ai écrit une histoire rien qu’avec les patronymes de mes ancêtres. C’est comme ça que j’en suis arrivée à commettre un polar généalogique.

 

J’ai rencontré un gentil vaurien, un futur Saint de l’Église, une mère de soldats durement éprouvée.

J’ai menées des recherches ardues, je me suis cassé le nez de temps en temps.

Parfois des objets mystérieux me sont tombés du ciel, une carte postale ou une médaille, donnant lieu à de nouvelles recherches bien sûr.

 

Au début concentrée sur l’état civil, j’ai varié les sources en piochant dans le cadastre, les recensements, les matricules militaires (révélant au passage une belle bande de bras cassés). Les archives notariales m’ont révélé parfois de drôles de surprises. Puis, je me suis intéressée à des sources moins fréquentes comme des dossiers de carrières, les cahiers de doléances ou les Pupilles de la Nation.

Maintenant j’explore de nouvelles séries aux archives comme les séries Q Enregistrement et hypothèque ou B Cours et juridiction (bientôt sur le blog). Tout cela me permet d’étoffer ma généalogie, de lui donner corps et chair.

 

J’ai découvert des usages locaux inconnus, des vêtements ou des habitats traditionnels.

J’ai appris plein de mots nouveaux : tissus, métiers, objets du quotidien, mais aussi vocabulaire notarial, militaire ou régional. Vous pouvez retrouver leurs définitions dans la page Lexique de ce blog où je les ai répertoriés.

C’est mon plaisir associé à la généalogie : non seulement dénicher de nouveaux ancêtres, mais aussi faire de nouvelles découvertes - historiques, géographiques, régionales… - apprendre et combler ma soif de savoirs.


J’ai rencontré des généalogistes, une communauté bienveillante et toujours prête à partager et aider, notamment sur les réseaux sociaux. Grâce au blog j’ai aussi fait la connaissance de nouveaux cousins (dont une "multiple cousine" qui se reconnaitra) de façon virtuelle ou dans la vie réelle.


Mais pourquoi un blog ? Rédiger un article est un bon moyen de faire un point sur ses recherches. Évidemment c’est un excellent prétexte pour m’adonner à mon goût pour l’écriture. C’est aussi une question de partage, de générosité. Mes ancêtres ne sont pas uniquement à moi : ils sont aussi les ancêtres d’autres personnes, connues ou inconnues. Leurs histoires peuvent les intéresser aussi. Et intéresser d’autres personnes, sans liens familiaux – ce qui reste un grand mystère pur moi. Par ailleurs, un blog c’est bien pratique pour l’entraide parfois : lorsqu’on bloque sur un point, une recherche, la solution vient souvent d’un lecteur.

 

Point chiffre

  • A la fin de ce mois, ce blog comptera 612 articles publiés.
  •   Un peu plus de 463 300 vues ont été recensées à l’heure où j’écris ces lignes, et 1 270 commentaires.
  • Le trafic du blog vient (dans cet ordre) de Google, Twitter, Facebook et Flipboard.
  • Mes lecteurs viennent principalement de France, des États-Unis… et plus étonnamment du Danemark et de Russie (et d’autres pays encore…).

 

Je profite de cet anniversaire pour remercier chaleureusement tous les lecteurs de ce blog. Les fidèles comme les nouveaux. Ceux qui commentent ici et ceux qui préfèrent le faire sur les réseaux sociaux. Ceux qui m’aident quand j’en ai besoin. Ceux qui m’encouragent, me soutiennent.

 

J’ai toujours ce petit frisson au moment de cliquer sur « Publier » un article. Cette attente de vos réactions et observations. Alors, si mes ancêtres continuent à me souffler leurs histoires, je suis prête à repartir pour dix ans. Et vous ?

 

 

 

U comme Union

A Conques il existait un couvent. On trouve cette communauté féminine sous plusieurs noms : Sœurs de l'Union, Filles de l'Union ou Filles du Travail.


Ancien couvent des Sœurs de l'Union


Elles furent établies à Conques vers 1733 pour enseigner (« dire la leçon ») aux jeunes filles. Pour cela, elles ne percevaient pas d’honoraires (contrairement au maître d’école, pour les garçons, qui percevait 150 livres). Au milieu du XVIIIème siècle elles étaient 8.

Ce sont elles qui ont donné le terrain où s’est établi l’hospice. Deux d’entre elles étaient au bureau dudit hospice.

 

Ces sœurs s’apparentent aux communautés de « pieuses filles » fondées à partir du XVIIème siècle, intermédiaires entre les tiers ordres (association de fidèles s'inspirant, le plus souvent, de la règle d'un ordre religieux) et les congrégations religieuses. Elles se distinguent des nonnes qui prononcent des vœux, apportent une dot à leur communauté, que l’on trouve davantage en ville.

 

Elles étaient dites parfois « sœurs agrégées » ou « associées ». Le succès vient de la polyvalence des sœurs, ce qui correspond aux besoins des communes rurales des régions pauvres : elles soignent les malades et les orphelins, assistent les mourants, font la toilette du mort, entretiennent le linge d’église, catéchisent les enfants, les initient au moins à la lecture comme aux travaux d’aiguille. Elles s’adressent en particulier aux jeunes filles des milieux pauvres. Simplicité, pauvreté et amour du travail les caractérisent. Elles sont souvent d’origine modeste. Ces communautés peuvent être très petites, comptant moins d’une dizaine de sœurs.


Les Sœurs de l’Union Chrétienne s’inscrivent dans ce courant. C’est une congrégation fondée en Rouergue au XVIIème siècle. Les sœurs se présentent à l’origine non comme des religieuses, mais comme des « veuves ou des filles unies dans une maison pour l’éducation et l’instruction des jeunes filles ». Devant leur succès, l’évêque de Rodez les reconnaît officiellement et leur accordent un règlement en 1682. En 1700 ces religieuses enseignantes obtiennent les lettres patentes du roi qui leur assure une reconnaissance officielle. Présentes dans les villes, dès les années 1680, elles ont, par la suite, essaimé dans tout le Rouergue en assurant une instruction sommaire aux jeunes filles.

Plusieurs Sœurs de l’Union apparaissent dans les registres paroissiaux.

Sépulture Françoise Issanjou/Issanchou, 1783 © AD12

"Françoise Issanchou sœur des Filles de l’Union âgée d'environ soixante et dix ans, mourut audit couvent le 22 janvier 1783 et fut enterrée le lendemain par nous curé soussigné, en présence de Me Jean Pierre Aymé vicaire, d'Arnaud Costes qui n’a su signer de ce requis"

 Elle était probablement la fille de mes sosas 1118 et 1119.

 

Sépulture Jeanne Astorg © AD12

"…a été inhumée Jeanne Astorg agrégée aux Filles de l'Union de cette ville décédée de la veille âgée d’environ 75 ans…"

Sépulture Catherine Cabroulie, 1790 © AD12

"L’an 1790 et le 6ème octobre a été inhumée Catherine Cabroulie fille agrégée aux Sœurs de l'Union de cette ville, restante à l'hôpital, décédée de la veille âgée d’environ 28 ans…"

 


 

 

jeudi 23 novembre 2023

T comme Tombeaux et levées des corps

Les curés de Conques sont assez avares de détails concernant les tombeaux des défunts. Toutefois certains des paroissiens de Conques se voient gratifier de quelques précisions quant à leurs décès.

Mise au tombeau, Anonyme, XIXème siècle © Louvre 


  • Quelques rares mentions du cimetière :

"L'an 1788 et le 13ème juillet est décédé Jacques, fils à père et mère inconnus, au village de Lapade paroisse de Montignac âgé d'environ cinq mois, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse en présence de Jacques Alran et de Joseph Delannes qui n'a su signer"

 

Sépulture Jean Escudier, 1784 © AD12

"Jean Escudier maçon veuf âgé d’environ 70 ans mourut le 6e février 1784 et fut inhumé le lendemain dans notre cimetière par nous curé..."

"Ce 8e mars même année un garçon maréchal ferrant natif de la paroisse de Bouillac habitant Conques depuis environ 20 ans a été trouvé noyé au dessus de la chaussée du moulin de Combelong sur les frontières de la paroisse de Noailhac et la vérification faite par la justice il a été enterré le 10 du mois de l'agrément du sieur père de Noailhac dans le cimetière de Conques. Il étoit âgé d'environ 65 ans"


  •  Les tombeaux des chanoines :

"…a été inhumé dans le cimetière et les tombeaux du chapitre messire Charles Lacarbonniere chanoine du chapitre de Conques…"

"… a été inhumé dans le cimetière et dans les tombeaux du chapitre messire Marie Anne François Charles Masson chanoine du chapitre de Conques…"

 S'agit-il de l'ancienne tour servant de caveau aux chanoines ?


"Marie Jeanne Besombes âgée de 4 ans fille légitime et naturelle de Pierre Besombes maréchal et d’Anne Toulouze mariés décédée le jour d’hier a été inhumée ce jour d’hui 8 septembre 1785 dans un tombeau appartenant à Mr Guiot de son consentement et pour cette fois ci seulement…"

Ce Mr Guiot est l’un des chanoines du chapitre. Histoire curieuse de cette enfant inhumée dans le tombeau d'un chanoine : les actes paroissiaux ne disent pas tout...


  • Autre tombeau :

"Le 15 est décédé Marion Laville fille légitime à feu Laurent Laville et Foy Vernhes mariés de la ville de Rodez et a été inhumée le 16 de février 1780 au cimetière devant un tombeau appartenant à la fraternité situé derrière la chapelle de St Jacques âgée de 7 ans…"

Pour mémoire les prêtres de la Fraternité disposaient de leur propre chapelle, dédiée à St Thomas de Cantorbery. Les notables s'y faisaient enterrer (voir à ce sujet la lettre H de ce ChallengeAZ). Laurent Laville était fils de notaire, qualifié de bourgeois; son épouse fille de marchand.

 

  • La levée des corps :
Sépulture Foy d'Humières, 1784 © AD12

"Noble Foy d’Humières âgée d’environ 62 ans décédée le jour d’hier a été inhumée ce jour d’hui 5ème août 1784. En présence de Me Jean Pierre Aymé vicaire et de Me Jean François Labro hebdomadier du chapitre. L'enlèvement a été fait par le chapitre de notre consentement lequel consentement nous a été demandé par ledit chapitre qui nous a envoyés Mr Labro hebdomadier dudit chapitre pour l'obtenir et lequel nous avons accordé après qu'il ait été convenu avec Mr labbe de Masson syndic dudit chapitre et en présence dudit Me Labro que cela étant une pure concession de ma part cela ne tiendrait ne tirerait à aucune conséquence pour l'avenir, nous présents à l'enlèvement du corps qui a été fait dans la chambre de Mademoiselle d'Humières où nous sommes montés avec l'officiant toutes les cérémonies faites à l'autel de paroisse"

Foy d'Humières était la fille du seigneur de diverses places. Elle vivait avec sa mère et ses sœurs au château d'Humières dans les hauts de Conques. La levée du corps est faite par les chanoines avec le consentement du curé de la paroisse et en présence de celui-ci, avant la cérémonie funèbre à l'autel de la paroisse.

 


Sépulture de Pierre Benezech, 1788 © AD12

"L’an 1788 et le 18ème décembre a été inhumé Pierre Benezech marchand décédé de la veille, époux de Jeanne Baurs, âgé de 71 ans, à laquelle inhumation a assisté le chapitre, de notre consentement donné aux parents du défunt, et nous avons assisté au présent enterrement et sommes entré en la maison du défunt pour faire l'enlèvement et conjointement avec Me Figeagol chanoine officiant, et le tout s'est fait en présence de monsieur Antoine la Rousse vicaire de la présente paroisse et de Jean Baptiste Fabre régent des écoles soussignés avec nous"

Les chanoines du chapitre ont donc assisté à l’enterrement du marchand, mais avec l’accord du curé de la paroisse. Après la levée du corps, une procession s’est déroulée de la maison du défunt jusqu’à l’église. Et c’est l’un des chanoines qui a procédé à la cérémonie. Mais pas n’importe lequel : Me Figeagol (ou Fijagol) était aussi vicaire général du chapitre (premier collaborateur de l’abbé).