« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

jeudi 16 novembre 2023

N comme Nom, surnom et titre

Nom, surnoms et titres permettent de distinguer les personnes. Dans les registres de Conques, on en trouve à foison.

Fille de qualité, H. Bonnart © Louvre


Le nom de famille est le nom d'une personne qui est transmis à un enfant par son père (et aujourd’hui par le père ou la mère, ou les deux). Pendant longtemps, il s’est confondu avec le patronyme, mot d’origine grecque, signifiant étymologiquement « nom du père. »

"Gabriel Carles, vigneron, fils légitime à feu Jean Carles"


Dans les registres de Conques on trouve aussi des particularités locales, comme la féminisation du nom.

Décès Anne Boulignague/Boulignac (détail), 1784 © AD12

"Anne ditte Boulignague... mourut à l'hôpital de Conques"

Le patronyme de son père était sans doute Boulignac, devenu pour sa fille Boulignague.

 

Un surnom est à l'origine un nom formé, par addition au prénom ou au nom d'une personne, d'un terme mettant généralement en relief ses particularités physiques ou morales (qualité ou défaut).

"…est décédé à l’hôpital Jean Roux dit Bourrut…"

"… est décédé après avoir reçu tous les sacrements Antoine Marty de Conques dit Goubert…"

Goubert est le nom d’un lieu dit de la paroisse.

"Jean Casal dit lauvergnat"

Le surnom peut aussi avoir comme origine un toponyme, un lieu, une région d’origine par exemple. 

 

Il n'attend pas le nombre des années : 

"Antoine Bonal dit le duc âgé d'environ sept ans et demy"


"Jean Chevaille dit Baldit"

On a déjà rencontré mon sosa 130. Baldit est le nom de sa mère : c’est sans doute l’origine de ce surnom.


"…fils légitime à Antoine Selves vigneron dit Romigou et à Jeanne [Pradellis]…"

Cet Antoine est le beau-frère de mes sosas 133 et 271 puisque je descends de deux sœurs de Jeanne, Marie et Françoise Pradellis. Romigou est (peut-être) une variante de romieu signifiant le pèlerin : a-t-il lui-même ou un de ses ancêtres fait un pèlerinage ?

 

Dans les registres apparaissent aussi de nombreux titres :

  • les titres de civilité, comme monsieur, dame, demoiselle.

"Monsieur Joseph Charles Delfieux bourgeois"

 

Baptême JMA Brassat (détail), 1783 © AD12

"Jean Marc Antoine Brassat fils légitime et naturel de Maître Brassat avocat en parlement seigneur demeurant à St Parthem et de dame Marie Jeanne Cadrieu"

"Demoiselle Françoise Garrigue fille légitime à feu Mr Jean Baptiste Garrigue, avocat et notaire royal"

  • les titres de courtoisie : un titre de noblesse qui n'est ni légal, ni régulier, soit parce qu'il n'a jamais fait l'objet d'une création ou d'une régularisation par le pouvoir souverain, soit parce que celui qui le porte n'est pas le successeur légal d'un détenteur de titre régulier et authentique.

"Messire Louis d’Espeyrac garde du Roy seigneur dudit lieu"

"Le sieur Joseph Baurs âgé d’environ 52 ans"

Les bourgeois vivant noblement voulant imiter les nobles prirent le nom de leur domaine, mais n'ayant pas le droit de s'intituler « seigneur de...» ils prirent la qualification de « sieur ».

  • les titres de noblesse

"Noble Foy d’Humières âgée de 62 ans décédée le jour d’hier"

  • les titres religieux 
Sépulture Jean Roquette (détail), 1781 © AD12
"est décédé et le lendemain a été inhumé Messire Jean Roquette prêtre obituaire et ancien vicaire de Conques..."

"…baptisée par Monsieur Vergnhes chanoine du chapitre de Conques"

"Monsieur le prieur de Saint Yves"

  • les titres honorifiques : appellations de politesse et marques de respect en usage dans certains milieux, comme les personnes exerçant certaines professions juridiques.

"…a été inhumé maître Louis Castelnau notaire"

  • les titres de rangs ou de statut : celui qui occupe le premier rang au sein d'une corporation ou d’un métier.
Mariage François Ferrières (détail), 1783 © AD12

"François Ferrières Maître tailleur de la ville de Conques"

 


 

mercredi 15 novembre 2023

M comme Marraine

Dans les registres de Conques il y a des marraines et des parrains.

Le baptême, E. Renard © RMN

Ceux-ci sont choisis par les parents du nouveau-né. Cela peut être un membre de la famille, un ami, un voisin. Les parrains et marraines ont pour mission d'accompagner l'enfant et de le guider dans sa foi chrétienne. Ils sont présents dans les temps forts de l'éducation religieuse de l'enfant. Ce sont des personnes de confiance qui pourront être présentes en cas de besoin : ils ont un rôle essentiel pour suppléer les parents en cas de maladie ou de décès. C'est le sens premier des noms compère et commère que l'on donnait autrefois aux parrain et marraine (du latin ecclésiastique compatrem et commatrem, composés de cum, « avec » et pater/mater, « père/mère »).

 

Du sacrement du baptême naît une relation spirituelle de parrainage, entre parrain et filleul, mais aussi de compérage entre parrains et parents de l’enfant. La fraternité spirituelle qui s’instaure entre le filleul et les parrains, ou les enfants des parrains, s’accompagne logiquement d’interdits de mariage afin d’éviter l’inceste spirituel.

 

Pour l’aîné(e) les parrains/marraines sont souvent choisi parmi les grands-parents, comme Anne Albouze marraine de sa petite-fille Anne en 1784 ; ce n’est pas une règle absolue bien sûr : certains grands-parents sont choisis simplement pour les cadets. Ensuite on élargit le cercle familial : Marie Jeanne Cussac est marraine de deux de ses nièces en 1787 et 1790.

 

Mais le parrainage est aussi créateur de lien social. Le choix des parrains peut relever d’une certaine stratégie mise en place par les parents pour officialiser des relations avec des amis, des voisins, des relations de travail, ou bien s’efforcer d’obtenir la protection d’un plus puissant.

 

Les personnes sollicitées pour être parrains ou marraines peuvent l’être plusieurs fois, généralement à l’époque où elles sont elles-mêmes en âge d’être parents. C’est le cas par exemple de Marianne Cussac, triple marraine de 1783 à 1785 de ses trois nièces ou Elisabeth Delagnes aussi triple marraine, cette fois en dehors du cadre familial, de 1786 à 1788.

Toutefois à Conques je n’ai pas trouvé de femme revendiquée plus de trois fois pour être marraine.

Le triple parrainage est plus courant chez les hommes : Jacques Alran, Jean André Marti, Jean Antoine Falissard sont tous triple parrains. Jean Avalon, l’organiste, est même quatre fois parrain. Le record est détenu par Joseph Delagnes, huit fois parrain dans la décennie, tous de garçons inconnus déposés à l’hôpital ; mais son cas est particulier : il est l’un des hospitaliers de l’hôpital.

Pierre Jean Martin est deux fois parrain et deux fois représentant, c'est-à-dire parrain commis à la place d’un autre (voir à ce sujet la lettre A de ce ChallengeAZ).

Jean François Labro, en tant que prêtre est parrain trois fois et officiant à la cérémonie quatre fois. Cependant, si les religieux sont quelques fois sollicités, on les trouve plus souvent officiants (pour les prêtres et les curés), ou témoins aux décès, que parrains.

 

A Conques, mon étude commençant en janvier 1780, il faut attendre la toute fin du mois de novembre 1781 pour voir le premier acte contenant un parrain ET une marraine. En effet : les 26 premiers baptêmes ne contiennent qu’un parrain pour les garçons et une marraine pour les filles.

Baptême François Combret, 1781

"François Combret fils légitime et naturel de Joseph Combret et de Marie Mery mariés de la présente ville né le jour d’hier 30 novembre, a été baptisé ce jour d’hui 1er décembre 1781 ; son parrain a été François Ferrières, sa marraine Elisabeth Ytié soussignée ; le parrain requis de signer a dit ne savoir."

 

Toutefois, dans la décennie précédente ont trouve déjà le double parrainage/marrainage, même si ce n’est pas systématique, loin de là…

 

Quant à Marie Viguier et Antoinette Avalon elles sont marraines d’un petit garçon, respectivement Jean Pierre Fraysse et Antoine André Avalon, sans qu’il n’y ait de parrain. La première est la grand-tante du baptisé, la seconde sa tante :

Baptême Jean Pierre Fraysse, 1784 © AD12

"Jean Pierre Fraysse fils légitime et naturel de Joseph Fraysse et de Jeanne Balitrand de la ville de Conques naquit le 17ème juillet 1784 et fut baptisé le même jour par nous vicaire soussigné, sa marraine fut Marie Viguier grand tante du baptisé qui n’a su signer de ce requise"

 

"L’an 1789 et le 15ème du mois de mai est né et a été baptisé le 16ème dudit mois Antoine André Avalon fils légitime au sieur Jean Avalon organiste et de Demoiselle Christine Valete mariés, marraine a été Antoinette Avalon tante au baptisé qui n’a su signer de ce requise"

 

La famille Avalon fait partie de l’élite sociale de Conques : ils n’auraient pas eu de difficulté à trouver un parrain s’ils l’avaient souhaité : c’est donc un choix délibéré.

 

 

mardi 14 novembre 2023

L comme Licence

Dans les registres de Conques on trouve des mariages, bien sûr. 

Scène d'accordailles © RMN


Le mariage religieux obéit à certaines règles édictées par l’Église, notamment lors des conciles de Latran au XIIIème et de Trente au XVIème siècle. Il est reconnu comme sacré et indissoluble. Les époux doivent être monogames. Un âge minimum est requis.
Les curés de Conques précisent parfois l'âge et la majorité/minorité des fiancés, mais c'est plutôt rare.

 

Mariage André Cavanac, 1784 © AD12

"L'an 1784...ont été conjoints en mariage par nous vicaire soussigné suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique apostolique et romaine andré cavanac vigneron majeur de vingt cinq ans...et anne landes majeure de vingt cinq ans..."
Pour en savoir plus sur les âges au mariage à Conques, voir la lettre J de ce ChallengeAZ.

 

La parenté peut être un empêchement au mariage. On distingue différent types de parenté :

  • La parenté naturelle ou consanguinité : les mariés ne peuvent pas épouser leurs cousins jusqu’au 4ème degré.
  • La parenté par alliance : il est impossible pour un(e) fiancé(e), après rupture de premières fiançailles, d’épouser un(e) parent(e) du premier fiancé, tout comme il était impossible pour un veuf d’épouser un(e) parent(e) du premier conjoint.
  • La parenté légale par adoption : l’enfant adopté ne pouvait épouser un enfant de ses parents adoptifs, ni ses parents
  • La parenté spirituelle : il y avait interdiction d’épousailles avec son parrain ou sa marraine.

Compte tenu des contraintes géographiques (endogamie) et démographiques, il devenait difficile de trouver un conjoint qui ne soit pas de l’une de ces parentés ; c’est pourquoi l’Église accordera parfois des dispenses.
Cependant, dans la décennie étudiée, je n'ai trouvé aucune dispense de consanguinité. Cela implique que, malgré la situation isolée de Conques, il y avait suffisamment d'ouverture sur l'extérieur pour renouveler les populations.

 

Pour procéder à la cérémonie les fiancés doivent procéder à un certains nombre de phases obligatoires :

  • la publication des bans
  • la célébration en public, c'est-à-dire témoins et prêtre
  • la signature des nouveaux époux sur un registre paroissial

 Comme pour la parenté, des dispenses peuvent être accordées.

 

"L'an 1783... après la publication d'un ban de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac... sans qu'il soit venu à notre connaissance... aucun empechement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l’église catholique et romaine, après avoir obtenu la dispense des deux autres bans... signé par le secrétaire de l'évêché... jean pierre madrières... et anne medal..."

Pour en savoir plus sur cette dispense des deux bans, voir la lettre D de ce Challenge.


Lorsque le ou la futur(e) mari(e) est originaire d’une autre paroisse, il/elle se devait d’apporter une autorisation signée du curée de la paroisse d’origine certifiant qu’il/elle n’était pas marié(e) et ce afin d’éviter toute bigamie. Contrairement aux dispenses de consanguinité - et logiquement - on trouve de nombreux certificats signés des curés de paroisses extérieures qui autorisent les mariages; ce qui conforte l'exogamie des mariages conquois soupçonnée plus haut.

 

"L'an 1783 et le 16e juillet après la publication d'un banc de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac comme il conste par le certificat de Mr Marc curé signé le quatorze juillet sans qu'il soit venu en notre connaissance ni en celle de Mr le curé d'Arjac aucun empêchement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique et romaine après avoir obtenu la dispense des deux autre bans… Jean-Pierre Madrières Me cordonnier fils légitime à Pierre Madrieres et à feue Anne Treilhes de la ville de Conques et Anne Medal fille légitime à feu Michel Medal et à Catherine Pradels du lieu d'Arjac"

"L'an 1780... a été célébré... le mariage de benoit anterrieux... du lieu de noailhac avec marie anne batejat... paroisse de montinhac la susdite épouse résidant a conques en qualité de servante, les bans publiés ainsi que de raison à noilhac et à montinhac et Conques sans qu'il nous aye apparu d'aucun empechement ni opposition ce qui résulte des attestations a nous envoyées par les messires curés de noilhac et montinhac..."

 

Mariage de Jean Chivalié, 1783 © AD12
"L’an 1783 est le 4e février après la publication des bans de mariage faites pendant trois dimanches consécutifs dans notre église et dans celle de la Capelle Neuve Eglise comme il conste par le certificat signé de Mr Portalès prieur curé sans qu’il soit venu à notre connaissance aucun empêchement canonique ou civil ni à celle de Monsieur le curé de Neuve Eglise, ont été conjoints en mariage… Jean Chevaille dit Baldit charpentier fils légitime à feu Jean Chevaille et à Chatherine Baldit et Jeanne Banide fille légitime d’Antoine Banide et feu Marie Rols de la ville de Conques…"

Jean Chivalié (dont le nom a été copieusement déformé) et Jeanne Banide sont mes sosas 130 et 131. N'étant pas originaire de la paroisse de Conques, le fiancé a fait publier les bans dans sa paroisse d'origine (La Capelle Neuve Église), comme il se doit, et a fourni un certificat signé de son curé pour le prouver.

Sa première épouse étant décédée 15 mois après le mariage, il épouse en secondes noces Marguerite Lavernhe; avec une curieuse formulation lors de la rédaction de l'acte de mariage :

Mariage Jean Chivalié, 1785 © AD12
"L'an 1787 et le 3e du mois de février après avoir publié à notre messe de paroisse pour la première, seconde et troisième publication attendu que les parties promirent d'obtenir la dispense des deux autres bans, et ils l'ont en effet obtenue, en conséquence après avoir publié pour la quatrième fois sans qu'il y ait eu aucune opposition et sans qu'il soit venu à notre connaissance aucun empêchement nous avons donné la bénédiction nuptiale selon qu'il se pratique dans l'église catholique..."

Seul exemple dans ma généalogie de publications de quatre bans après avoir obtenu la dispense de deux !