CHAPITRE A
Mortcerf (Seine et Marne), janvier 2020.
Au petit matin de ce jour froid de janvier débuta le tri dans la maison familiale.
Ils s’étaient réunis en pays briard, toute la famille, venant chacun d’horizons différents : Martine, l’aînée, venue des rives de la Méditerranée, Alain qui habitait dans les Alpes, Jacqueline la citadine jusqu’au bout des ongles et même Claude, l’ermite de la famille. Ensemble ils formaient le premier cercle, celui installé dans les fauteuils disposés autour de la table basse. Ils étaient les enfants du Grand-Père. Derrière eux, le deuxième cercle, les petits-enfants. Eux aussi avaient été saupoudrés un peu partout à travers le pays et se retrouvaient tous pour la première fois depuis longtemps. Alexandre faisait partie de ce groupe. Derrière eux jouaient les petiots du troisième cercle - l’avenir - indifférents aux causes réelles de la réunion familiale.
Leur aïeul à tous, qu’ils surnommaient affectueusement « le Grand-Père » quelque soit la génération à laquelle ils appartenaient, était décédé quelques jours plus tôt. Ils étaient venus à la fois pour l’enterrement mais aussi pour trier et vider la maison du disparu. La mise en terre avait eu lieu la veille. Maintenant ils devaient régler le problème de la demeure familiale. De manière informelle ils s’étaient mis d’accord pour la vendre. Une fois débarrassée des meubles du Grand-Père, des travaux seraient engagés pour rafraîchir un peu cette demeure en pierre meulière qui était dans la famille depuis trois générations.
- Avant d’être mise en vente puisque personne n’est vraiment intéressé pour la reprendre et racheter leurs parts aux autres, n’est-ce pas ? demanda Martine.
Tout le monde manifesta son accord. Tout devait disparaître. Ou plus exactement tout devait être attribué. Chacun devrait coller un post-it avec son nom sur ce qu’il souhaitait emporter. S’il y avait plusieurs papiers collés, on se réunirait à nouveau et entamerait des pourparlers en vue d’une attribution définitive.
Ce « dernier tri » se faisait dans la bonne humeur et les couleurs des post-it, malgré le caractère un peu triste de la réunion. Il y avait beaucoup à jeter, mais certains voulaient garder aussi. Comme ils étaient de générations différentes, chacun y trouvait son intérêt : les jeunes, qui n’étaient pas encore en ménage, privilégiaient l’électroménager et les meubles pour s’installer ; les plus âgés, davantage portés sur la nostalgie, préféraient les souvenirs : vieilles photos, objets ayant une charge émotionnelle et familiale forte.
De temps en temps une dispute
feutrée éclatait :
- Le lustre ? Tu veux
prendre le lustre ? Ce truc ignoble qui ferait s’évanouir même les
mouches ? interrogea Valérie, la compagne de David.
- Mais oui, il a quelque
chose de beau. Il fait un peu ancien, je trouve.
- Un peu ? Tu
rigoles ? On dirait qu’il est moyenâgeux !
Et dans ce terme inadapté (c’était juste un immense lustre qui avait pour seul tort d’être démodé) Valérie y mit tout son mépris. Puis tenta le tout pour le tout, l’argument qui tue :
- Je te préviens, moi vivante, ce machin ne franchira jamais la porte de ma maison !
Pivotant sur ses talons, elle mit fin à la conversation - une fin de non recevoir - et quitta le grand salon.
Dans la salle à manger, Lucas
et Gabriel se tenaient en embuscade à l’abri du grand bahut. Gabriel pouffa de
rire.
- Chut ! lui intima
Lucas. Tu vas nous faire repérer !
Ils attendirent que Claude sorte de la pièce d’un pas traînant pour quitter leur cachette. Maintenant le plus dur restait à faire : échanger les post-it sans que personne ne s’en aperçoive. Dommage qu’ils soient trop petits pour atteindre le lustre de la pièce d’à côté, se dit Lucas qui avait lui aussi entendu la dispute. Quelle bonne blague cela aurait fait !
Ignorant les enfants, Solène se dirigea vers Alexandre une boîte à la main. C’était une boîte cartonnée épaisse de 3 cm environ. Le dessus était assez abîmé, indiquant que le contenu d’origine était composé de feuilles de couleurs, de format A4. Mais en l’ouvrant, l’intérieur révéla un tout autre contenu n’ayant rien à voir ; la boîte élimée avait été récupérée pour conserver un ensemble hétéroclite de documents.
- Tiens Alexandre, toi qui
aime bien les vieux trucs : regarde donc si tu trouves ton bonheur
là-dedans.
- Qu’est-ce que c’est ?
demanda Alexandre.
- Je sais pas trop, répondit
Solène.
Elle plaça la boîte rapportée de la chambre du défunt sur la table. Précautionneusement, Alexandre l’ouvrit et en sortit une liasse qu’il étala devant lui.
- J’ai trouvé ça dans sa table de nuit. Ça devait être important pour qu’il le garde-là, près de lui. Tu sais qu’il ne quittait presque plus son lit dans les derniers temps ?
Alexandre hocha la tête et porta son attention sur les papiers de différentes tailles qui étaient posés devant lui. Ils comprirent presque immédiatement qui ne s’agissait pas de documents ordinaires. Plusieurs cousins s’approchèrent et commencèrent aussi à examiner la trouvaille de Solène.
- Un trésor ?
- En me fiant à mon
expérience, je peux dire que cela concerne une période ancienne. La Seconde
Guerre Mondiale sans aucun doute.
Sur certains documents la langue allemande et la croix gammée vinrent confirmer cette hypothèse. Il y avait des coupures de journaux, des photographies et des feuillets manuscrits ou tapés à la machine. Certains portaient l’en-tête de la Préfecture du département, la Seine et Marne. Mais les noms cités leurs étaient inconnus : Henri Macréau, Ursule Le Floch… Tout ça ne leur disait rien. La plupart, les jeunes surtout, se désintéressèrent vite de la trouvaille miraculeuse : plutôt qu’un trésor, c’était juste un tas de paperasses poussiéreuses. Aucun intérêt !
Solène resta néanmoins avec
Alexandre : leur curiosité était piquée.
- Tu crois que ça peut être
intéressant ? demanda-t-elle.
- Oh oui, sans doute :
il suffit de chercher un peu… et d’écouter ce que ces gens ont à nous dire. En
tout cas ça se passe bien par ici : regarde, il y a les villes de Tigeaux
et Mortcerf qui sont citées.
- Oui, c’est vrai. Mais qui
sont ces gens ?
- Je ne sais pas :
allons faire un tour sur internet !
Les pouces agiles d'Alexandre pianotèrent sur son téléphone les noms de Macréau et Le Floch. Presque aussitôt son moteur de recherche afficha les premières réponses.
- Rien ne ressort vraiment du côté des archives apparemment…
Cependant parmi les résultats, tous avaient en commun un nom, une adresse sur le net, le blog Murmures d’ancêtres.
- Et bien c’est là qu’il faut se renseigner !
Wow! Superbe introduction, hâte d'en savoir plus !
RépondreSupprimerà demain pour la suite ! Quel feuilleton ...
RépondreSupprimerwahou ! ça démarre fort!! super!
RépondreSupprimerAhah ! Excellent préambule au feuilleton du mois de novemebre !
RépondreSupprimerTrès alléchante introduction ! On a envie de connaître la suite !
RépondreSupprimerBel article... J'attends la suite avec impatience! :)
RépondreSupprimerSi ça, ce n'est pas une entâme alléchante !
RépondreSupprimersuperbe introduction !!! bravo
RépondreSupprimerSi bien écrit qu'on s'y croirait, très impatiente de la suite.
RépondreSupprimerOn retrouve avec grand plaisir le réel talent de conteuse de Mélanie.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ce 1er chapitre. Il me tarde de lire la suite de cette histoire !
RépondreSupprimerJ'ai hâte de lire la suite de ce polar de novembre. On en oublie que c'est dans le cadre du Challenge tellement l'écriture est fluide et nous promet moult rebondissements...
RépondreSupprimerVoilà une introduction qui donne très envie de suivre cette histoire avec attention !!
RépondreSupprimerUn démarrage qui met l’eau à la bouche. Je cours lire la suite!
RépondreSupprimerC'est tellement vraisemblable cette mise en scène, que l'on s'y croirait. (Dans le rôle de la descendante passionnée par les archives du grand-père)
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