- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -
Semaine 18 : Quelle était leur vie en société ?
Quand je rencontre Claude Joseph Robin, il est laboureur à Martignat (01). Né en 1717 (et mort en 1784), il est fils de François, lui-même laboureur. Il est son probable fils aîné, bien que les registres étant lacunaires, il est difficile de l’affirmer avec certitude.
Ce métier de laboureur recouvre des réalités un peu floues, différentes selon les régions et les époques :
- Le laboureur peut être un simple traceur de sillons, n’ayant d’autre moyens de travail que ses bras et son savoir-faire, mais ne possédant pas d’attelage ; il est alors dit « laboureur à bras ». Ce savoir-faire est néanmoins complet : « préparer la terre (essarter, épierrer, aménager des fossés), labourer (avec bœuf, cheval, mulet, âne), fumer la terre, semer, sarcler, moissonner, conserver les blés »*.
- Il peut aussi être propriétaire d’une charrue et d’animaux de labour, se louant avec ses bêtes de ferme en ferme pour les travaux agricoles ; il peut alors être qualifié de « laboureur à bœufs ».
- Mais il peut être aussi locataire ou même propriétaire de ses terres, et donc placé plus haut dans l’échelle sociale. Ce laboureur n’a plus rien à voir avec l’indigence car il implique un certain capital afin d’entretenir les bestiaux en plus des investissements liés aux instruments, aux semences, fourrages, etc… Il est entrepreneur mais aussi pourvoyeur d'emplois, puisqu’il entretient une domesticité permanente ainsi que, durant les gros travaux agricoles, des travailleurs saisonniers. C’est un paysan qui s’est enrichi. Il est aisé. Il a un statut reconnu dans la communauté, considéré comme un notable des campagnes, très présent dans les assemblées villageoises. Il peut prétendre à des unions avec la noblesse locale. On leur donne alors le qualificatif d’"Honorable" ou de "Maître". Certains sont très riches, d’autres moins, ils représentent néanmoins l'élite de la paysannerie.
Je pense de Claude Joseph appartient à cette dernière catégorie. Son père est ainsi qualifié d’Honorable.
Pour confirmer cette hypothèse de paysan aisé, il faudrait trouver un inventaire après décès mais les inventaires et registres notarial de Martignat ne sont pas en ligne.
Cependant ma « cousine » Bernadette a trouvé un document en allant sur place, qui semble confirmer cette hypothèse. Une lettre extraite de l’étude de Me Andrea, signée de Claude Joseph et rédigée en 1748. Par cette lettre il « confesse avoir reçu du sieur Benoist Picquet [...] la somme de quinze livres deux sols six deniers ». Or, dans ce document, il se présente comme « scindic de la paroisse de martignat » pour l’année 1747.
Le syndic est un notable chargé de représenter, d'administrer et de défendre les intérêts d'une paroisse ou d'une communauté rurale. « Il fait & reçoit les mémoires qui regardent les affaires ou les intérêts de la communauté ; il contrôle & corrige les actions & les fautes des particuliers qui dépendent de la communauté, ou du-moins il les fait blâmer ou réprimander dans les assembles publiques. » **.
Dans le cas d'une paroisse, il est généralement élu par une assemblée constituée des hommes considérés comme les « chefs de famille » de la paroisse. Les modalités d’élection/nomination sont variables et changent plusieurs fois pendant le XVIIIème siècle. Ordinairement, la communauté d'habitants se réunissait “dans la manière ordinaire à la sortie de la messe de dimanche” pour élire, pour un ou deux ans, un habitant pour les représenter comme syndic.***
L’administration royale précise peu à peu leur rôle et nomination. On préconisait ainsi que les syndics soient choisis parmi les “personnes intelligentes et qui sachent écrire”***, la population qualifiée de « la plus saine, la plus compétente »****. Les habitants proposaient plusieurs personnes aptes à remplir la fonction et leurs noms étaient mis aux voix par la communauté réunie. Étaient élus (ou cooptés : souvent ce sont les même hommes qui exercent cette fonction à tour de rôle) celui ou ceux qui en remportaient le plus. Ladite communauté n’est composée que des hommes, comme ont l’a dit plus haut. Normalement la présence de tous était obligatoire. Ces réunions avaient lieu tous les ans (ou deux ans) et élisaient donc des « syndics annuels ». Au début du XVIIIème siècle, la monarchie créa la charge de « syndic perpétuel » qui devait représenter non seulement la communauté d'habitants mais aussi l'administration royale.*** La charge fut éphémère (supprimée en 11717), mais on le trouve parfois dans nos archives familiales. Les syndics sont donc élus parmi les notables de la ville ; c’est pourquoi Claude Joseph s’est retrouvé dans cette fonction en 1747.
Le rôle du syndic se précise peu à peu : il peut convoquer l'assemblée de la communauté et veiller aux réunions de ces assemblées ; il gère les affaires fiscales de la communauté ; il est chargé de fonctions relatives à la levée des impôts et à l'adjudication et la réparation des églises et des presbytères ; il s'occupe du recrutement de la milice ; il gère la garnison des troupes dans le village ; il administre les corvées; il préside aux affaires légales qui pouvaient intéresser la communauté. Néanmoins, les attributions des syndics continuent à rester variables selon les endroits et les époques.***
Je n’ai malheureusement pas plus d’exemples concrets concernant l’activité de syndic de Claude Joseph Robin. Par la suite il deviendra « hobergiste » : en tant qu’aubergiste il a dû avoir aussi une « vie en société » importante. Mais ça, c’est une autre histoire…
* Olivier de Serres : Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, publié en 1600.
** Encyclopédie, 1751
*** Cynthia Bouton : Les syndics des villages du bassin parisien des années 1750 à la Révolution
**** Les Syndics - Conférence présentée par Claude R. en janvier 2005 à Saint Méard de Dronne