Blog généalogique, souvenirs d'aïeux de Conques (Rouergue) à Samoëns (Haute-Savoie), en passant par l'Anjou, la Bretagne, l'Ain, la Suisse . . .
« Un soir, sur un chemin familier qui
m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette
terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent,
rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure.
J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous
sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et
dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles,
autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur
accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité,
n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce
murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie
de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »
Voilà, ce ChallengeAZ 2025, zoom sur la vie de Cécile est
fini. Tirez le rideau, la farce est jouée. Cécile n’a pas laissé beaucoup de
trace dans les sources et j’ai dû aller la chercher là où elle ne faisait pas
de bruit, comme un détective obstiné furetant dans les recoins sombres.
Mettez-vous ça dans le cigare : même apparemment invisibles, nos ancêtres
ont toujours des choses à nous dire. Il suffit de savoir tendre l’oreille,
d’être attentifs à leurs murmures. Et même si les sources ne semblent pas causeuses,
elles détiennent tout le roman familial et le souvenir de leurs pas sur les chemins
de la vie.
Je ne veux pas vous faire tartir avec de la philosophie à
l’eau de vaisselle, mais je peux vous dire que ça remue un brin de
dénicher un zig qu’on a cherché longtemps. Du coup, ça m’a fait plaisir de la
rencontrer, la Cécile. De parler d’elle pour pas qu’on oublie comme ça une vie
entière, même si elle est donnée sans bruit. Une vie passée sous silence, comme
tant d’autres. Mais qui a existé. J’espère que vous aussi vous avez apprécié ce
petit bout de chemin à ses côtés.
Je n'ai qu'un seul regret : ne pas avoir de photo de sa bobinette. Il ne me reste plus qu'à l'imaginer.
Globalement, pour ce que j’en sais, sa vie n’a pas été très
folichonne : la misère, les enfants perdus, les logements insalubres… Quatre-vingts
ans de labeur, de sacrifices, de deuils. Quatre-vingts ans à voir le monde
changer : les automobiles qui remplacent les chevaux, la TSF qui chante dans les cuisines, les cheveux qui raccourcissent et les esprits qui s’allongent. Elle a vu les progrès,
les guerres, les crises. Mais elle est restée la même, droite, digne, avec la
résilience chevillée au corps.
Sa vie, c'est un poème silencieux, une symphonie de courage
et de douleur. Une existence à fond de cale. Elle s’est éteinte doucement,
comme une bougie qui a brûlé jusqu'à la dernière miette de cire, sans déranger personne. Maintenant les
soucis sont finis pour elle. Qu’elle repose en paix.
J’espère que la misère n’a pas rendue Cécile pleurnicharde
et qu’elle est restée forte même quand elle avait le ventre vide. Que la Grande
Faucheuse penchée sur son épaule ne l’a pas empêchée de vivre debout. Que si
elle a courbé l’échine, elle n’a jamais baissé les yeux. C’était une
madame-tout-le-monde qu’a jamais fait la Une, mais qu’a tenu debout tout un
monde. J’espère qu’elle a pas flanché. Qu’elle a continué. Parce que la vie,
c’est pas un roman, c’est un escalier mal foutu, et qu’elle a monté toutes les marches
avec un seau dans chaque main sans trébucher.
Aujourd’hui, y’a personne qui parle de Cécile. Une femme
oubliée, effacée par le temps, les papiers jaunis et les silences des familles. Mais moi, je dis
qu’elle valait tous les discours de ministre et tous les bronzes
qu’on dresse aux types qui ont rien torché de leur vie. Sa statue, elle est dans le cœur de ceux qui savent. C’était une femme
simple, de celles qu’on ne célèbre pas dans les livres d’histoire, mais qui
auraient mérité un boulevard à leur nom.
Parce que Cécile, elle était pas héroïne. Elle était le sol
sur lequel les autres marchaient debout. Des femmes comme elle, y’en avait
plein. Trop pour qu’on les remarque. Pas assez pour qu’on les remercie.
Et que des Cécile, il y a dans tous nos arbres
généalogiques.
Je ne sais pas si Cécile a été voir la toute nouvelle Tour
Eiffel, si elle avait suffisamment d’esprit d’avant-garde pour aller admirer
les pointillistes et les Fauves au Salon des Indépendants, si elle a fait
partie des 16 millions de personnes qui ont visité l’Exposition internationales
des arts décoratifs et industriels modernes de 1925… vu que j’y étais pas. Pas
la peine de vous raconter des cracks, j’en suis pas affranchie. Mais je crois
pouvoir dire sans me tromper que la grande crue de la Seine en 1910, ça, elle
l’a vu de près.
Ça commence le 20 janvier, quand la pluie s’invite sans prévenir en amont de Paris : le
déluge, la fonte des neiges
et les affluents qui se lâchent (Yonne, Loing, Grand Morin) font déborder la Seine.
La flotte débarque sans prévenir, comme une belle-mère en colère. À Ivry, première ligne du désastre, le lit de la Seine se transforme en boulevard
aquatique. L’eau grimpe d’environ 1 m
en 24 h, submergeant
les quais, rues basses et portions de la gare. L’inondation surprend les
habitants par sa vitesse. Le matin, t’avais les pieds au sec. À
midi, t’avais les mollets dans la gadoue. À seize heures, tu pouvais faire du
pédalo dans le salon et ta cave est devenue un aquarium géant pour poissons
rouges. Le soir c’est plus une maison : c’est une baignoire de
souvenirs.
Imaginez la scène… une sacrée mise en Seine !
Les habitants ont dû faire un choix difficile : ignorer
la flotte qui montait et rester chez soi avec l'eau jusqu'au menton, ou foutre le camp avec trois casseroles et le chat sous le bras. Du 21 au
25 janvier c'est l’exode de milliers d’inondés devenus sans abri,
s’exilant vers le centre de la commune ou plus loin encore, pour ceux qui en
avait la possibilité (à Paris, avant que la capitale ne soit touchée à son
tour, ou bien dans leur province natale). Ils se réfugient chez des proches ou
dans des refuges ouverts pour eux. Une vraie débâcle !
Dans les quartiers inondés des écoles ferment et
dans d’autres coins de la ville elles sont transformées en asiles pour les
sinistrés. Le 27 janvier l’hospice d’Ivry est évacué, ses cuisines,
machineries et calorifères rendus hors d’usage par l’inondation. Le port d’Ivry
et le boulevard de la Gare sont totalement engloutis. C’est pas une crue,
c’est une vengeance. La flotte s’est dit : « ils ont bétonné mes rives, je
vais leur détapisser le grenier ». Et elle a tenu parole, la bougresse.
L’eau, c’est comme la connerie : ça s’infiltre partout. Et c’est pas de l’eau bénite. C’est de la boue
perfide, du limon vicieux, et des souvenirs qui flottent comme des cadavres de
vieux journaux. Les rues sont envahies par une eau glacée et de plus en plus
polluée car les égouts y refluaient. Niveau hygiène, on repassera. La typhoïde et la scarlatine en profitent pour ramener leurs fraises.
Cette crue, c’était pas de la gnognotte ! Les usines et ateliers ferment les uns après les autres. Les gars se retrouvent au chômage technique pour cause de piscine municipale improvisée. L’usine de vinaigre Pagès Camus elle, ne fait pas dans la dentelle : elle explose carrément sous l’effet de la montée
des eaux, déclenchant un incendie qui la détruit complètement. Un vrai
spectacle pyrotechnique aquatique ! Les rues sont coupées, des maisons fragilisées
s'effondrent comme des châteaux de cartes. Les infrastructures tombent en cascade : électricité coupée, transports en rade, plus une goutte potable au robinet. Un comble alors que l'eau est partout ! Un
vrai bordel organisé par Dame Nature.
Les pompiers sont mobilisés, pompant les caves,
renforçant les digues soumises à la pression de l'eau, évacuant les personnes. Les
militaires, casernés au fort d’Ivry, viennent en renfort. Le 25 janvier plusieurs
personnalités officielles inspectent les lieux, histoire de montrer qu’ils compatissent : le Président Fallières, le
Premier ministre Briand et le préfet Lépine. La Croix‑Rouge procèdent à des
distributions de nourriture, de charbon et de chaleur humaine dans ce foutoir.
Le maire d’Ivry gère la crise comme un chef, coordonnant les secours Pour ça il sera érigé en véritable héros après
la crue pour son action au plus fort de la crise et finira médaillé d’or par le Ministère de l’intérieur au
mois d’août 1910. Un vrai chevalier de l'eau !
Petit à petit l’eau gagne la capitale. Le point culminant
est atteint le 28 janvier, avec un record de 8,62 m
au Pont d’Austerlitz à Paris. Le Zouave du pont de l'Alma, sur lequel les
Parisiens ont l’habitude de mesurer la hauteur des crues de la Seine, a de
l’eau jusqu’aux épaules, le pauvre bougre.
Bien qu'elle n'ait pas été très meurtrière, cette crue
centennale a causé d'importants dommages à l'économie régionale. Plus de 30 000 maisons ont été inondées
à Paris et en banlieue, avec des dégâts estimés à plusieurs centaines de
millions de francs-or. Une facture salée pour une inondation qui n'a pas fait
de quartier.
Et Cécile, dans tout ça ? Elle habite alors la rue Raspail, l’une des rues les plus touchées. Sa baraque a dû se prendre pour une
péniche elle aussi. Les eaux ont recouvert la chaussée et les trottoirs,
atteignant les façades des bâtiments, rendant la rue impraticable aux piétons
et véhicules. Si certaines rues, moins atteintes, se sont contentées de passerelles
de planches pour faire circuler les piétons, rue Raspail on a dû apprendre à
manœuvrer les rames des youyous, barges et autres canots pour aller faire ses
courses. Une vraie Venise version banlieue ! Les rues basses le long de la
Seine, comme la rue de Cécile, étaient particulièrement exposées : leurs
habitants ont connu des inondations quotidiennes, avec des boues profondes et des
interruptions des services. Un enfer crotté et sans confort.
Cécile et sa famille a-t-elle été évacuée ? Si elle l’a
été, elle est revenue s’installer après car elle a demeuré à cette adresse
pendant 3 ans encore. Une preuve que même la flotte ne l'a pas fait plier !
La décrue, elle, prend son temps. Fin janvier, ça redescend doucement, mais jusqu’en mars certaines rues se prennent encore pour des pataugeoires. Les
refuges, notamment ceux des écoles, ferment progressivement. Mais beaucoup
de maisons sont en péril, les murs imbibés, et leurs habitants ne peuvent les réintégrer. Des
baraquements sont construits pour ceux qui sont à la cloche, comme le refuge
des Dames françaises, association caritative qui fournit lits, couvertures et
plats chauds aux sinistrés. Ensuite c’est des semaines à gratter la fange,
jeter des meubles, des souvenirs et des morceaux de vie qui partent à la benne.
La sale besogne, celle dont on ne parle pas toujours mais qui traumatise tout
autant que la montée des eaux.
À Ivry, 1 327 maisons furent inondées, 1 127 maisons évacuées
de 8 à 25 jours, 12 000 personnes hospitalisés de 1 à 45 jours, 10 000
ravitaillées grâce aux voitures et bateaux du génie, du 23 au 30 janvier. Des
chiffres qui donnent le tournis, et qui montrent l'ampleur du désastre. La
nature, quand elle s'y met, elle ne fait pas de quartier !
Ah… là, on entre dans le dur. Parce que chez les fils de Cécile, la Grande Guerre, elle n’a pas juste laissé des cicatrices — elle a carrément fauché la moitié de la fratrie. Ce pauvres bougres ont été déclarés « disparus ». Partis au front, pour des idées, des
drapeaux, et même pas revenus dans des caisses. Imaginez la douleur, l'écho des clairons
funèbres qui résonnaient dans son âme, à la Cécile.
Le premier à tomber au champ d'honneur est Alexandre, le dernier de la fratrie, à peine sorti de l’enfance. Vingt piges à tout casser, 10
mois d’armée dans les pattes, et hop, disparu à Neuville St Vaast (Pas de
Calais) en septembre 1915.
Le pauvre gamin. Sa classe d’âge avait été appelée avec un an d’avance, le
besoin de chair à canon se faisait déjà
cruellement sentir. Alexandre faisait alors partie du 407e RI, un régiment tout neuf, formé au printemps, qu’on envoie direct dans la lessiveuse : la troisième bataille d’Artois. Objectif ? Prendre la crête de Vimy. Autant dire un pari suicidaire.
Le village de Neuville Saint Vaast et ses environs c'était un
vrai bourbier, un labyrinthe de tranchées, boyaux et sapes, soumis à un
bombardement intensif. Un terrain saturé de boue et de ruines. Un des
nombreux enfers sur terre comme la Première Guerre Mondiale a si bien su en
produire à la chaîne. Au petit matin, un premier bataillon fonce sur la
première ligne allemande, l’arme au poing et le courage en bandoulière, mais sans soutien d’artillerie préalable. Un suicide,
quoi ! D’autres troufions suivront. Des moutons à l'abattoir. Ils
tiennent ferme quatre jours face aux contre-attaques successives de
soldats d’élite allemands. Les combattants endurent des conditions
insoutenables : absence de munitions, pluie et boue, tranchées saturées d’eau,
communication rompue. Un cauchemar éveillé. Malgré l’absence de préparation
d’artillerie, le 407e a réalisé un assaut audacieux, assumant des pertes
sévères tout en s’emparant de positions clés. Alexandre y laissa sa peau, avalé par la terre d’Artois. Un
héros anonyme de cette boucherie.
Un jugement de 1920 déclare, avec une froideur
administrative qui vous glace le sang : « attendu que le soldat
Alexandre Astié disparu le 28 septembre 1915, que l'enquête faite au retour des
prisonniers n'a révélé aucun fait de nature à présumer l'existence du susnommé,
que depuis sa disparition qui a pour cause un fait de guerre il s'est écoulé
plus de 2 ans, par ces motifs Alexandre Astié est déclaré Mort pour la France. »
Chienne de guerre, qui prend les jeunes et les réduit au silence en moins de
temps qu’il ne faut pour le dire.
Son nom, aujourd’hui, est gravé sur l'Anneau de la mémoire de Notre-Dame de
Lorette, inauguré en 2014, parmi 58 000 autres, tombés dans le
Pas de Calais. Tous unis dans le silence, sans grade, sans frontière. Un hommage à tous
ceux qui ont laissé leur peau dans cette terre de souffrance.
Puis vient Élie. Il avait été ajourné en 1907, et exempté en
1908, sans doute pour défaut de taille : il fallait faire au minimum plus
de 1,54 m et lui mesurait… 1,54 m ! Un vrai ras des pâquerettes, mais ça
ne l'a pas sauvé bien longtemps. Moins de 5 mois après le début de la guerre, ça n’a plus
d’importance : il est rappelé à l’activité (ou plutôt appelé), en décembre
1914. Les besoins en chair à canon, ça ne regarde pas à la taille !
Il intègre le 26 régiment d’infanterie et disparait quelques
mois plus tard à l’Ouest de Maurepas, le 30 juillet 1916. Il avait 30 ans. En pleine bataille de la Somme, autant dire l’un des coins les plus infernaux du front, le 20e corps d’armée, auquel appartenait le 26e
RI, avait reçut l’ordre de reprendre les tranchées allemandes du secteur de Maurepas. Le
village et les collines avoisinantes étaient des points d’appui cruciaux,
ouvrant la route vers le village voisin de Combles. À l’aube du 30 juillet, les vagues d’assaut s’élancent, baïonnette au clair. En face, les Boches sont retranchés dans des fortifications bétonnées, bardées de fils de fer et de mitrailleuses. Le résultat, on le connaît : des centaines de types fauchés en quelques minutes, des bataillons (le 2e et 3e,) rayés des registres, signalés comme « totalement décimés » par
l'historique du régiment. Le 26e dut faire retraite en arrière pour
réorganisation et reconstitution de son effectif. Élie fait partie du lot de ceux qui sont pas revenus, sans
doute réduit en charpie par les balles et les obus.
Un jugement du tribunal civil daté de 1920, valant acte de
décès, l'a déclaré Mort pour la France. Il a été transcrit dans les registres
d'état civil en 1921.
J’espère que Cécile n’a pas attendu 1921 pour apprendre le
décès de son fils, sinon bonjour l’angoisse ! Attendre des années pour
savoir que son gamin est mort pour la patrie, ça, c'est une torture qui ne dit
pas son nom.
Enfin c’est au tour de Benoît, l’avant-dernier enfant de
Cécile. Comme il n’avait pas été très sage dans sa jeunesse (pour les détails
croustillants, retournez voir la lettre V de ce ChallengeAZ), il avait été envoyé
direct en 1913 dans un Bataillon d’Afrique, sanction courante pour toutes les
racailles de l'époque. Stationné en Tunisie, il embarque en décembre 1914 pour
se battre contre l’Allemagne. Il tombe à Cantigny (Somme) en avril 1918. L’objectif
était de prendre les hauteurs au nord de Cantigny et établir une tête de pont
solide pour enrayer la poussée allemande près de Montdidier.
Le 5 avril à 15 h, ça démarre. Les gars avancent en vagues successives, bien ordonnées, dans
le silence de l’artillerie ennemie. La tension devait être palpable, à couper
au couteau. Et soudain, la foudre : alors que les hommes avancent, un barrage nourri de mitrailleuses
allemandes, positionnées sur des meules, les silos et dans le village, inflige
des pertes sévères, forçant les assaillants à se terrer. Un déluge de feu s’abat
sur les soldats, tandis que des avions mitrailleurs allemands les survolent.
Vers 4 h du matin,
ordre est donné : le bataillon se replie vers le bois Saint‑Éloi, ayant arrêté
l’élan ennemi sans parvenir à une percée décisive. Bien que l’avancée n’ait pas
été prolongée, le bataillon a brisé la poussée allemande. Benoît, lui, reste sur le terrain,
à seulement 25 ans. Un gentil marlou fauché en pleine jeunesse.
Il est déclaré Mort pour la France et enterré à la nécropole
nationale de Montdidier (sépulture individuelle n°4808). C’était une gentille canaille et c’est triste qu’il soit mort car, sans le connaître, je m’étais attachée à
lui (ou à l’image que je me suis faite de lui).
Trois fils partis en uniforme et revenus en silence. Juste
des lettres officielles et des médailles pourries, que Cécile a peut-être
rangées dans une boîte à sucre avec des mèches de cheveux et des petits
chaussons des quatre petiots qu’elle avait déjà enterrés. Elle n’a pas dû souvent sourire après ça. Ces trois fistons
morts au combat, ça tirerait des larmes à un seau de charbon. Alors imaginez un
peu Cécile. En pensant à elle, j’en ai gros. Le destin est parfois une vraie
saloperie.