« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

samedi 18 novembre 2023

P comme Pas de prénom

Certains actes paroissiaux de Conques concernent des personnes qui n’ont pas de prénom

 


Les religieux ne sont pas toujours prénommés.

"…ayant été ondoyée à la maison y ayant cas de nécessité par Mr Brart chanoine de Conques…"

C’est son acte de décès, trouvé en dehors de la période étudiée (en 1794), qui indiquera ses prénoms, Jean Olivier.

Le curé Dauban, curé de Conques de 1772 à 1781, lui, ne donnera jamais son prénom.

 

Parfois ce sont les témoins dont on ignore le prénom.

"…présents François Roux cordonnier et Cussac travailleur tous de Conques…"

 

Sépulture Catherine Raynal (détail), 1781 © AD12

"…présents Antoine Marty et le nommé Lafon de Conques…"

 

Ou les marraines.

"…sa marraine a été Marti de la paroisse de Grand Vabre…"

                                                  

Ou les époux décédés.

"Jeanne Montbroussous veuve de Martin âgée d’environ 70 décédée…"

 

Ça marche aussi pour le nom des mères.

Baptême Anne Fumel, 1788 © AD12

"…est née et a été baptisée Anne Fumel fille légitime et naturelle de Jean Fumel et de Catherine [blanc] mariés de cette ville…"

 Elle se nomme Couderc, en fait.

 

Plus rare dans la décennie, des décédés dont on ignore nom et prénom :

 

  • un garçon non nommé,  pourtant bien identifié par son métier et sa paroisse d’origine

"Ce 8e mars même année un garçon maréchal ferrant natif de la paroisse de Bouillac habitant Conques depuis environ 20 ans a été trouvé noyé au dessus de la chaussée du moulin de Combelong sur les frontières de la paroisse de Noailhac et la vérification faite par la justice il a été enterré le 10 du mois de l'agrément du sieur père de Noailhac dans le cimetière de Conques. Il étoit âgé d'environ 65 ans…"

 

  • une étrangère
Sépulture Catherine XXX, 1782 © AD12

"Catherine [blanc] âgée d’environ 50 ans, veuve de [blanc] décédée le jour d’hier a été inhumée ce jour d’hui 26 janvier 1782 en présence de Mr Me François Labro hebdomadier du chapitre et Arnaud Costes ce dernier requis de signer a dit ne savoir"

Noté « étrangère » dans la marge.

 

 

Mais les plus nombreux parmi ceux qui n’ont pas de prénom, sont les enfants mort-nés.

"Un garçon naissant de François Boutaric tanneur et de Catherine Anterrieux mariés de la présente ville né et ondoyé à la maison par nécessité ce jour d'hui 30 mai 1782 par Jeanne Rols sage femme ainsi qu'il nous a été par elle attestée les susdits an et jour laquelle requise de signer a dit ne savoir, a été inhumé le lendemain. Le susdit enfant naissant étant mort la veille, jour de sa naissance…"

 

Sépulture fille Anterrieux, 1790 © AD12

"Une fille naissante d'Antoine Anterrieux vigneron et de Marie Jeanne Serles mariés fut ondoyé a la maison y ayant cas de nécessité par Marie Carles sage femme et mourut de suite le même jour 12 juin 1790 et fut enterrée le lendemain…"

 

 

vendredi 17 novembre 2023

O comme Obitus

Les registres de Conques sont plutôt avares en ce qui concerne les motifs des décès. Toutefois quelques actes se distinguent en la matière.

Cimetière de Conques

 

"Le 1er novembre 1780 est décédée Jeanne Salesse épouse de Pierre Clerc mariés de Conques ayant reçu tous les sacrements dans sa maladie et a été inhumée le lendemain par nous présent au convoi Clerc son époux et Anterrieux maçon de Conques qui n’ont su signer requis"

 

"Le 10e décembre 1780 est décédée Antoinette Amagat veuve de feu Raynal aubergiste de Conques de mort subite…"

 

Sépulture Jean Bonal, 1780 © AD12

"Ce jourd’hui 20ème du mois de juin 1780 est décédé et a été inhumé pour raisons pressantes Jean Bonal vigneron du Palays de la présente ville âgé de 45 ans après avoir reçu tous les sacrements…"

 

"Le 20e mai est décédée à l'hôpital de la présente ville  et le 21e du mois a été inhumée par nous curé Anne Moysset du village des Mascles paroisse de Firmi, fille associée audit hôpital, âgée de cinquante cinq ans, de surprise d'apoplexie, présents Jean Boisredon et Jeannet Louis deux restants à l'hôpital qui n'ont su signer requis'

 

Les termes « fille associée » et « restants » signifient que ces personnes vivaient à demeure à l’hôpital. Unique dans la décennie qui nous occupe, ce motif du décès.

 

Les trois chanoines décédés à Conques lors de la décennie étudiée ont droit à un acte de décès spécial :


Sépulture Charles Lacarbonière, 1783 © AD12

"L’an 1783 et le 13e août a été inhumé dans le cimetière et les tombeaux du chapitre messire Charles Lacarbonniere chanoine du chapitre de Conques mort de la veille après avoir reçu les sacrements des mains de Mr le vicaire de la paroisse, les obsèques ont été faites conformément à la transaction et accord à l'autel de paroisse présenté corpore in die obitus et aussi les autres jours suivant ; les héritiers ayant fourni à tous les frais suivant l'usage comme est dit en la transaction furent présents Mr Jean François Labro hebdomadier du chapitre et Mr Jean Pierre Aymé vicaire de la paroisse soussignés"

 

D’après cet acte, le chanoine est décédé le 12 août. Le corps du défunt a été présenté « in die obitus » (le jour de sa mort), sans doute exposé sur un lit mortuaire, peut-être exposé dans le chœur en attendant les funérailles. Il a été inhumé dans le cimetière le 13, au cimetière dans les tombeaux du chapitre. Les obsèques, c'est-à-dire les cérémonies ayant un lien avec le décès (veillées, messes, luminaires, sonneries des cloches…), ont eu lieu pendant plusieurs jours (les funérailles d’un chanoine se déroulent le lendemain ou le surlendemain de son ensevelissement en général) ; les messes étant dites à l’autel de paroisse. Tous ces usages sont payants, comme on le voit, et sans doute prévus dans un testament, réglé par les héritiers.

 

Les deux autres chanoines suivent sensiblement le même cérémonial, sauf pour André Nicolas, ancien chanoine où c’est un autre chanoine qui paie les frais, sans doute en l’absence d’héritiers pouvant prendre en charge la cérémonie.

 

"L’an 1784 et le 4e mars a été inhumé dans le cimetière et dans les tombeaux du chapitre André Nicolas dit Caveillac ancien chanoine du chapitre de Conques décédé de la veille âgé d’environ 73 ans, après avoir reçu tous les sacrements de la main de Mr le vicaire de la paroisse, les obsèques ont été faites conformément à la transaction et accord à l'autel de la paroisse présenté corpore in die obitus et ainsi les autres jours suivants, Me Benazech chanoine dudit chapitre ayant fourni les frais suivant l'usage comme est dit en la transaction, furent présents…"

 

"L’an 1785 et le 8e octobre a été inhumé dans le cimetière et dans les tombeaux du chapitre messire Marie Anne François Charles Masson chanoine du chapitre de Conques mort de la veille après avoir reçu le sacrements de l’extrême onction des mains de Mr le curé de la paroisse, les obsèques ont été faites canoniquement à la transaction et accord à l'autel de paroisse et au chœur présenté corpore in die obitus et ainsi les autres jours suivant les héritiers ayant fourni tous les frais suivant l’usage comme en est dit en la transaction furent présents Mr Jean François Labro hebdomadier du chapitre et Mr Marc Antoine Cantaloube prêtre fraternisant soussignés"

 

Dans la décennie précédente, en 1776, est décédé un autre chanoine. Son acte de décès précise les cérémonies effectuées lors de son décès, ce qui nous donne une idée de celles de « nos » chanoines (qui ont sans doute suivi le même rituel) : il a été inhumé dans un tombeau placé autour de l’église et [tache d’encre] galerie de l’abbaye, l’enterrement fait sur les six heures et demi après prime (office de 6h du matin), l’office des morts a été chanté au chœur, puis le corps a été porté dans la nef de la paroisse précédé de tout le chapitre et suivi de tout le convoi, le curé a chanté la messe des obiits [= des morts] et dit après la messe les prières pro sepultura [= pour l’enterrement] et a fait autres cérémonies selon le rituel et l’usage de la paroisse, assisté des diacre et sous diacre.

 

 

jeudi 16 novembre 2023

N comme Nom, surnom et titre

Nom, surnoms et titres permettent de distinguer les personnes. Dans les registres de Conques, on en trouve à foison.

Fille de qualité, H. Bonnart © Louvre


Le nom de famille est le nom d'une personne qui est transmis à un enfant par son père (et aujourd’hui par le père ou la mère, ou les deux). Pendant longtemps, il s’est confondu avec le patronyme, mot d’origine grecque, signifiant étymologiquement « nom du père. »

"Gabriel Carles, vigneron, fils légitime à feu Jean Carles"


Dans les registres de Conques on trouve aussi des particularités locales, comme la féminisation du nom.

Décès Anne Boulignague/Boulignac (détail), 1784 © AD12

"Anne ditte Boulignague... mourut à l'hôpital de Conques"

Le patronyme de son père était sans doute Boulignac, devenu pour sa fille Boulignague.

 

Un surnom est à l'origine un nom formé, par addition au prénom ou au nom d'une personne, d'un terme mettant généralement en relief ses particularités physiques ou morales (qualité ou défaut).

"…est décédé à l’hôpital Jean Roux dit Bourrut…"

"… est décédé après avoir reçu tous les sacrements Antoine Marty de Conques dit Goubert…"

Goubert est le nom d’un lieu dit de la paroisse.

"Jean Casal dit lauvergnat"

Le surnom peut aussi avoir comme origine un toponyme, un lieu, une région d’origine par exemple. 

 

Il n'attend pas le nombre des années : 

"Antoine Bonal dit le duc âgé d'environ sept ans et demy"


"Jean Chevaille dit Baldit"

On a déjà rencontré mon sosa 130. Baldit est le nom de sa mère : c’est sans doute l’origine de ce surnom.


"…fils légitime à Antoine Selves vigneron dit Romigou et à Jeanne [Pradellis]…"

Cet Antoine est le beau-frère de mes sosas 133 et 271 puisque je descends de deux sœurs de Jeanne, Marie et Françoise Pradellis. Romigou est (peut-être) une variante de romieu signifiant le pèlerin : a-t-il lui-même ou un de ses ancêtres fait un pèlerinage ?

 

Dans les registres apparaissent aussi de nombreux titres :

  • les titres de civilité, comme monsieur, dame, demoiselle.

"Monsieur Joseph Charles Delfieux bourgeois"

 

Baptême JMA Brassat (détail), 1783 © AD12

"Jean Marc Antoine Brassat fils légitime et naturel de Maître Brassat avocat en parlement seigneur demeurant à St Parthem et de dame Marie Jeanne Cadrieu"

"Demoiselle Françoise Garrigue fille légitime à feu Mr Jean Baptiste Garrigue, avocat et notaire royal"

  • les titres de courtoisie : un titre de noblesse qui n'est ni légal, ni régulier, soit parce qu'il n'a jamais fait l'objet d'une création ou d'une régularisation par le pouvoir souverain, soit parce que celui qui le porte n'est pas le successeur légal d'un détenteur de titre régulier et authentique.

"Messire Louis d’Espeyrac garde du Roy seigneur dudit lieu"

"Le sieur Joseph Baurs âgé d’environ 52 ans"

Les bourgeois vivant noblement voulant imiter les nobles prirent le nom de leur domaine, mais n'ayant pas le droit de s'intituler « seigneur de...» ils prirent la qualification de « sieur ».

  • les titres de noblesse

"Noble Foy d’Humières âgée de 62 ans décédée le jour d’hier"

  • les titres religieux 
Sépulture Jean Roquette (détail), 1781 © AD12
"est décédé et le lendemain a été inhumé Messire Jean Roquette prêtre obituaire et ancien vicaire de Conques..."

"…baptisée par Monsieur Vergnhes chanoine du chapitre de Conques"

"Monsieur le prieur de Saint Yves"

  • les titres honorifiques : appellations de politesse et marques de respect en usage dans certains milieux, comme les personnes exerçant certaines professions juridiques.

"…a été inhumé maître Louis Castelnau notaire"

  • les titres de rangs ou de statut : celui qui occupe le premier rang au sein d'une corporation ou d’un métier.
Mariage François Ferrières (détail), 1783 © AD12

"François Ferrières Maître tailleur de la ville de Conques"

 


 

mercredi 15 novembre 2023

M comme Marraine

Dans les registres de Conques il y a des marraines et des parrains.

Le baptême, E. Renard © RMN

Ceux-ci sont choisis par les parents du nouveau-né. Cela peut être un membre de la famille, un ami, un voisin. Les parrains et marraines ont pour mission d'accompagner l'enfant et de le guider dans sa foi chrétienne. Ils sont présents dans les temps forts de l'éducation religieuse de l'enfant. Ce sont des personnes de confiance qui pourront être présentes en cas de besoin : ils ont un rôle essentiel pour suppléer les parents en cas de maladie ou de décès. C'est le sens premier des noms compère et commère que l'on donnait autrefois aux parrain et marraine (du latin ecclésiastique compatrem et commatrem, composés de cum, « avec » et pater/mater, « père/mère »).

 

Du sacrement du baptême naît une relation spirituelle de parrainage, entre parrain et filleul, mais aussi de compérage entre parrains et parents de l’enfant. La fraternité spirituelle qui s’instaure entre le filleul et les parrains, ou les enfants des parrains, s’accompagne logiquement d’interdits de mariage afin d’éviter l’inceste spirituel.

 

Pour l’aîné(e) les parrains/marraines sont souvent choisi parmi les grands-parents, comme Anne Albouze marraine de sa petite-fille Anne en 1784 ; ce n’est pas une règle absolue bien sûr : certains grands-parents sont choisis simplement pour les cadets. Ensuite on élargit le cercle familial : Marie Jeanne Cussac est marraine de deux de ses nièces en 1787 et 1790.

 

Mais le parrainage est aussi créateur de lien social. Le choix des parrains peut relever d’une certaine stratégie mise en place par les parents pour officialiser des relations avec des amis, des voisins, des relations de travail, ou bien s’efforcer d’obtenir la protection d’un plus puissant.

 

Les personnes sollicitées pour être parrains ou marraines peuvent l’être plusieurs fois, généralement à l’époque où elles sont elles-mêmes en âge d’être parents. C’est le cas par exemple de Marianne Cussac, triple marraine de 1783 à 1785 de ses trois nièces ou Elisabeth Delagnes aussi triple marraine, cette fois en dehors du cadre familial, de 1786 à 1788.

Toutefois à Conques je n’ai pas trouvé de femme revendiquée plus de trois fois pour être marraine.

Le triple parrainage est plus courant chez les hommes : Jacques Alran, Jean André Marti, Jean Antoine Falissard sont tous triple parrains. Jean Avalon, l’organiste, est même quatre fois parrain. Le record est détenu par Joseph Delagnes, huit fois parrain dans la décennie, tous de garçons inconnus déposés à l’hôpital ; mais son cas est particulier : il est l’un des hospitaliers de l’hôpital.

Pierre Jean Martin est deux fois parrain et deux fois représentant, c'est-à-dire parrain commis à la place d’un autre (voir à ce sujet la lettre A de ce ChallengeAZ).

Jean François Labro, en tant que prêtre est parrain trois fois et officiant à la cérémonie quatre fois. Cependant, si les religieux sont quelques fois sollicités, on les trouve plus souvent officiants (pour les prêtres et les curés), ou témoins aux décès, que parrains.

 

A Conques, mon étude commençant en janvier 1780, il faut attendre la toute fin du mois de novembre 1781 pour voir le premier acte contenant un parrain ET une marraine. En effet : les 26 premiers baptêmes ne contiennent qu’un parrain pour les garçons et une marraine pour les filles.

Baptême François Combret, 1781

"François Combret fils légitime et naturel de Joseph Combret et de Marie Mery mariés de la présente ville né le jour d’hier 30 novembre, a été baptisé ce jour d’hui 1er décembre 1781 ; son parrain a été François Ferrières, sa marraine Elisabeth Ytié soussignée ; le parrain requis de signer a dit ne savoir."

 

Toutefois, dans la décennie précédente ont trouve déjà le double parrainage/marrainage, même si ce n’est pas systématique, loin de là…

 

Quant à Marie Viguier et Antoinette Avalon elles sont marraines d’un petit garçon, respectivement Jean Pierre Fraysse et Antoine André Avalon, sans qu’il n’y ait de parrain. La première est la grand-tante du baptisé, la seconde sa tante :

Baptême Jean Pierre Fraysse, 1784 © AD12

"Jean Pierre Fraysse fils légitime et naturel de Joseph Fraysse et de Jeanne Balitrand de la ville de Conques naquit le 17ème juillet 1784 et fut baptisé le même jour par nous vicaire soussigné, sa marraine fut Marie Viguier grand tante du baptisé qui n’a su signer de ce requise"

 

"L’an 1789 et le 15ème du mois de mai est né et a été baptisé le 16ème dudit mois Antoine André Avalon fils légitime au sieur Jean Avalon organiste et de Demoiselle Christine Valete mariés, marraine a été Antoinette Avalon tante au baptisé qui n’a su signer de ce requise"

 

La famille Avalon fait partie de l’élite sociale de Conques : ils n’auraient pas eu de difficulté à trouver un parrain s’ils l’avaient souhaité : c’est donc un choix délibéré.

 

 

mardi 14 novembre 2023

L comme Licence

Dans les registres de Conques on trouve des mariages, bien sûr. 

Scène d'accordailles © RMN


Le mariage religieux obéit à certaines règles édictées par l’Église, notamment lors des conciles de Latran au XIIIème et de Trente au XVIème siècle. Il est reconnu comme sacré et indissoluble. Les époux doivent être monogames. Un âge minimum est requis.
Les curés de Conques précisent parfois l'âge et la majorité/minorité des fiancés, mais c'est plutôt rare.

 

Mariage André Cavanac, 1784 © AD12

"L'an 1784...ont été conjoints en mariage par nous vicaire soussigné suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique apostolique et romaine andré cavanac vigneron majeur de vingt cinq ans...et anne landes majeure de vingt cinq ans..."
Pour en savoir plus sur les âges au mariage à Conques, voir la lettre J de ce ChallengeAZ.

 

La parenté peut être un empêchement au mariage. On distingue différent types de parenté :

  • La parenté naturelle ou consanguinité : les mariés ne peuvent pas épouser leurs cousins jusqu’au 4ème degré.
  • La parenté par alliance : il est impossible pour un(e) fiancé(e), après rupture de premières fiançailles, d’épouser un(e) parent(e) du premier fiancé, tout comme il était impossible pour un veuf d’épouser un(e) parent(e) du premier conjoint.
  • La parenté légale par adoption : l’enfant adopté ne pouvait épouser un enfant de ses parents adoptifs, ni ses parents
  • La parenté spirituelle : il y avait interdiction d’épousailles avec son parrain ou sa marraine.

Compte tenu des contraintes géographiques (endogamie) et démographiques, il devenait difficile de trouver un conjoint qui ne soit pas de l’une de ces parentés ; c’est pourquoi l’Église accordera parfois des dispenses.
Cependant, dans la décennie étudiée, je n'ai trouvé aucune dispense de consanguinité. Cela implique que, malgré la situation isolée de Conques, il y avait suffisamment d'ouverture sur l'extérieur pour renouveler les populations.

 

Pour procéder à la cérémonie les fiancés doivent procéder à un certains nombre de phases obligatoires :

  • la publication des bans
  • la célébration en public, c'est-à-dire témoins et prêtre
  • la signature des nouveaux époux sur un registre paroissial

 Comme pour la parenté, des dispenses peuvent être accordées.

 

"L'an 1783... après la publication d'un ban de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac... sans qu'il soit venu à notre connaissance... aucun empechement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l’église catholique et romaine, après avoir obtenu la dispense des deux autres bans... signé par le secrétaire de l'évêché... jean pierre madrières... et anne medal..."

Pour en savoir plus sur cette dispense des deux bans, voir la lettre D de ce Challenge.


Lorsque le ou la futur(e) mari(e) est originaire d’une autre paroisse, il/elle se devait d’apporter une autorisation signée du curée de la paroisse d’origine certifiant qu’il/elle n’était pas marié(e) et ce afin d’éviter toute bigamie. Contrairement aux dispenses de consanguinité - et logiquement - on trouve de nombreux certificats signés des curés de paroisses extérieures qui autorisent les mariages; ce qui conforte l'exogamie des mariages conquois soupçonnée plus haut.

 

"L'an 1783 et le 16e juillet après la publication d'un banc de mariage faite en cette église et dans celle d'Arjac comme il conste par le certificat de Mr Marc curé signé le quatorze juillet sans qu'il soit venu en notre connaissance ni en celle de Mr le curé d'Arjac aucun empêchement canonique ni civil ont été conjoints en mariage suivant les formalités de notre sainte mère l'église catholique et romaine après avoir obtenu la dispense des deux autre bans… Jean-Pierre Madrières Me cordonnier fils légitime à Pierre Madrieres et à feue Anne Treilhes de la ville de Conques et Anne Medal fille légitime à feu Michel Medal et à Catherine Pradels du lieu d'Arjac"

"L'an 1780... a été célébré... le mariage de benoit anterrieux... du lieu de noailhac avec marie anne batejat... paroisse de montinhac la susdite épouse résidant a conques en qualité de servante, les bans publiés ainsi que de raison à noilhac et à montinhac et Conques sans qu'il nous aye apparu d'aucun empechement ni opposition ce qui résulte des attestations a nous envoyées par les messires curés de noilhac et montinhac..."

 

Mariage de Jean Chivalié, 1783 © AD12
"L’an 1783 est le 4e février après la publication des bans de mariage faites pendant trois dimanches consécutifs dans notre église et dans celle de la Capelle Neuve Eglise comme il conste par le certificat signé de Mr Portalès prieur curé sans qu’il soit venu à notre connaissance aucun empêchement canonique ou civil ni à celle de Monsieur le curé de Neuve Eglise, ont été conjoints en mariage… Jean Chevaille dit Baldit charpentier fils légitime à feu Jean Chevaille et à Chatherine Baldit et Jeanne Banide fille légitime d’Antoine Banide et feu Marie Rols de la ville de Conques…"

Jean Chivalié (dont le nom a été copieusement déformé) et Jeanne Banide sont mes sosas 130 et 131. N'étant pas originaire de la paroisse de Conques, le fiancé a fait publier les bans dans sa paroisse d'origine (La Capelle Neuve Église), comme il se doit, et a fourni un certificat signé de son curé pour le prouver.

Sa première épouse étant décédée 15 mois après le mariage, il épouse en secondes noces Marguerite Lavernhe; avec une curieuse formulation lors de la rédaction de l'acte de mariage :

Mariage Jean Chivalié, 1785 © AD12
"L'an 1787 et le 3e du mois de février après avoir publié à notre messe de paroisse pour la première, seconde et troisième publication attendu que les parties promirent d'obtenir la dispense des deux autres bans, et ils l'ont en effet obtenue, en conséquence après avoir publié pour la quatrième fois sans qu'il y ait eu aucune opposition et sans qu'il soit venu à notre connaissance aucun empêchement nous avons donné la bénédiction nuptiale selon qu'il se pratique dans l'église catholique..."

Seul exemple dans ma généalogie de publications de quatre bans après avoir obtenu la dispense de deux !

 


 

lundi 13 novembre 2023

K comme Kaléidoscope de métiers

Dans les registres de Conques on retrouve de nombreux métiers (92 pour être exact), reflet de la société, habitants de ladite ville ou des environs. 

Sabotiers © Cartorum

En voici quelques exemples.

- des nobles

"Noble Foy d’Humières âgée de 62 ans décédée le jour d’hier a été inhumée ce jour d’hui…"

Sépulture Antoinette d'Humières, 1789 © AD12

"… a été inhumée demoiselle noble Antoinette d’Humières décédée de la veille âgée de 72 ans"

 

- des bourgeois

"L’an 1789 et le 11e mars a été inhumé Léonard Castelnau bourgeois décédé de la veille âgé d’environ 72 ans"

…et demoiselle Marie Anne Baurs fille légitime à feu sieur Baurs bourgeois et demoiselle Marie Anne Bertrand

…présents les sieurs Charles Delfieux bourgeois

 

- des gens du droit et de la justice

"… né du légitime mariage de monsieur Me Joseph Adrien Laforgue de Ferrières juge baillif de temporalité de Conques"

"… qui se sont fait représenter par Me Jean Antoine Nolorgues avocat en parlement et dame Anne Lucas son épouse habitants de la présente ville..."

"Monsieur Pierre Flaugergues avocat et notaire royal âgé d'environ 85 ans décédé le jour d'hier a été inhumé ce jour d'hui septième jour de mois d’août 1785..."

Sépulture Louis Castelnau, 1789 © AD12

"L’an 1789 et le 29e janvier a été inhumé Me Louis Castelnau notaire décédé de la veille, époux de demoiselle Margurite Bouygues âgé d’environ 45 ans"

"… fille légitime du sieur Paul Franques feudiste..."

(parfois dit « féodiste », juristes spécialistes du droit féodal)

"… en présence de sieur Jean Antoine Bertrand procureur"

"… son parrain a été André Baurs greffier de la temporalité soussigné"

 "Jacques Fontalbat huissier âgé d’environ 60 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 24 juillet 1785"

 L'huissier est un auxiliaire de justice.


- des gens de santé

"Pierre Bories chirurgien époux de demoiselle Hélène Vergnes âgé d’environ 48 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 8 avril 1784"

"… le parrain a été le sieur Pierre Flaugergues docteur en médecine"

"… ledit mariage a été célébré en présence de Louis Combes praticien"

"Une fille naissante d’Antoine Anterrieux vigneron et de marie Jeanne Serles mariés fut ondoyé à la maison y ayant cas de nécessité par Marie Carles sage femme et mourut de suite le même jour 12 juin 1790 et fut enterré le lendemain"


- des religieux : on a déjà parlé des chanoines, des clercs, des vicaires et des curés (voir lettre C et H), et bientôt des nonnes...

"…son parrain a été Me André Benazech chanoine"

"Françoise Issanchou soeur des filles de l'union âgée d'environ 70 ans, mourut audit couvent le 22 janvier 1783"

Elle est (peut-être) la fille de mes sosas 1118 et 1119.

 

- des régents des écoles (maîtres d’école)

"… présent monsieur Laurent Bey régent des écoles soussignés"

 

- des employés 

Baptême Jean Pierre Martin, 1790 © AD12

"Jean Pierre Martin né de la veille du légitime mariage de Pierre Jean Martin officier municipal de cette ville et d’Antoinette Labro"

Pierre Jean Martin et Antoinette Labro sont mes sosas 138 et 139.

"… en présence de Pierre Imbaut employé aux fermes du Roy soussigné"

"… a été baptisé Jean Cardonel fils légitime et naturel à Raimon employé aux gabelles"

 

- des marchands

"… présent François Rols marchand"

François Rols est mon sosa 136.

"… Jean Pierre Falissard fils légitime et naturel de Michel Falissard marchand"

Et une marchande !

"…la marraine a été Elisabeth Ytié veuve de Vidal marchande"

 

- des musiciens (pour plus de détails sur eux, vois la lettre I)

"… Chaterine Christine Avalon fille légitime et naturelle de Mr Jean Avalon organiste du chapitre et de demoiselle Christine Valette"

"... son parrain a été Joseph Basile Fabre serpant du chapitre de Conques"

"Me Guillaume Comte clerc tonsuré Me de musique du chapitre âgé d’environ 66 ans décédé le jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 5 avril 1784 en présence de Me Jean Pierre Aymé vicaire de la paroisse et de Jacques Alran soussignés avec nous curé de ladite paroisse qui avons fait ledit enterrement"

"Jean Delannes carilloneur âgé d’environ 80 ans est décédé le jour d’hier et a été inhumé ce jour d’hui 1er mars 1785"

 

- des gens du textile et de l'habillement

"... a été célébré en face de la ste église et du consentement de leurs peres et meres le mariage de benoit anterrieux tisserand..."

"… en présence de François Roux Me cordonnier qui n’a su signer"

"L’an 1790 et le 4 février a été inhumé Joseph Mommeja tailleur mort de la veille âgé d’environ 70 ans"

"... ont été conjoints en mariage monsieur Antoine Series Me perruquier  habitant de la ville de Conques…"

"... fille légitime à Antoine Clerc chapelier…"

"L’an 1787 et le 2e janvier a été inhumé dans notre cimetière François Boutaric Me tanneur âgé d’environ 65 ans"

"… en présence de Pierre Vergnes teinturier soussigné"

"… futur mariage entre Jean Louis Clot sabotier fils légitime à Joseph Clot sabotier…"

Sépulture Joseph Charles Delfieux, 1788 © AD12

"… présent à son enterrement Guillaume Alari cardeur qui n’a su signer de ce requis"

Guillaume Alary, fils de mes sosas 274 et 275 ; en l’an III il est dit peigneur de laine, restant audit hôpital

 

- des gens de la terre, dont des vignerons : ce sont les plus nombreux

Sépulture Antoine Bonal, 1787 © AD12

"… témoin Antoine Astié vigneron... qui n’a su signer de ce requis"

Antoine Astié, mon sosa 128, de même que son fils Pierre, Joseph Rols sosa 272, Jean Labro sosa 278, Pierre Martin sosa 276… sont vignerons.

"Le 30e jour du mois d’août 1780 est décédé après avoir reçu tous les sacrements et le 31e du même mois a été inhumé Pierre Marc vigneron époux a Jeanne Lala âgé d’environ 50 ans"

"… après la publication d’un ban de mariage entre Pierre Mazenc travailleur habitant actuellement le lieu de Campuac"

 Le travailleur est l'équivalent du manouvrier ou du journalier.

"… en présence de Pierre Lavergnhe laboureur qui n’a su signer"

 

- des gens de métiers de bouche (très peu nombreux)

"L’an 1788 et le 26e juillet a été inhumé Antoine Fraysse natif du lieu de Sauri présente paroisse domestique de Jean Antoine Raynal boucher âgé d’environ 30 ans"

"…Pierre Vigouroux fils légitime de Pierre Vigouroux aubergiste…"

 "… en présence de Jacques Alran fournier soussigné"

Le fournier est celui qui tient un four public.

 

- des gens du bâtiment

"… ont été conjoints en mariage … Jean Chevaille dit Baldit charpentier…"

Jean Chivalié est mon sosa 130.

"Antoine Banide charpentier âgé d’environ 80 ans est décédé le jour d’hier"

Antoine Banide (beau-père du précédent) est mon sosa 262.

"…en présence de Pierre Doumergue garçon charpentier qui a signé…"

Pierre Doumergue apparaît plus tard en tant que charpentier.

"Jean Escudier maçon veuf âgé d’environ 70 ans mourut le 6e février 1784 et fut inhumé le lendemain dans notre cimetière par nous curé"

Sépulture Escudier, 1789 © AD12

"…en présence d’Antoine Mas couvreurs des toits soussigné…"

Antoine Mas est mon sosa 132.

"… après la publication des bans du futur mariage d’entre Guillaume Blax Me menuisier fils légitime à Jean Pierre Blax aussi menuisier…"

"Joseph Ferrière serrurier âgé d’environ 50 ans décédé du jour d’hier a été inhumé ce jour d’hui 22 février 1782"

"… présent Pierre Besombes forgeron de Conques qui requis a dit ne pouvoir signer"


- des domestiques et des servantes

"L’an 1788 et le 26e juillet a été inhumé Antoine Fraysse natif du lieu de Sauri présente paroisse domestique de Jean Antoine Raynal boucher âgé d’environ 30 ans"

"… et la marraine Marguerite Lacombe, servante de Mr Fijagol chanoine du chapitre qui requis de signer a dit ne savoir"

 

- des pauvres (aussi dits hospitaliers ou restants)

"… son parrain a été François Marty pauvre dudit hôpital"

"... son parrain a été Guillaume Selves restant à l’hôpital qui n’a su signer"

Baptême Marie Angélique, 1790

"... sa marraine a été Magdeleine Servières restante à l’hôpital"


La majorité des restant(e)s sont associé(e)s à l’hôpital (nous reviendrons sur eux un peu plus tard dans le ChallengeAZ). Mais c’est aussi un terme que l’on retrouve pour désigner un habitant d’une ville (« restant de Conques ») ou un serviteur.

"… sa marraine a été Louise Loubatières restante au service de Dalmon qui n’a su signer"