« Un soir, sur un chemin familier qui m’est cher, en mettant mes pas dans les pas de ceux qui m’ont précédé sur cette terre, j’ai senti frissonner l’arbre du silence. […] Il n’y avait plus de vent, rien ne bougeait, tout était apaisé, et pourtant j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression - la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de feuilles, autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

- Christian Signol, Ils rêvaient des dimanches

vendredi 5 août 2022

#52Ancestors - 31 - Pierre Gaston

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 31 : Demandez de l’aide

 

Le mois d’août est le mois de l’entraide dans le défi #52Ancestors. Pour cette première semaine, je sollicite vos talents en paléographie. Personnellement je n'ai jamais eu de formation en paléographie, juste l'expérience texte après texte. En général je comprend globalement le document que je lis. Mais là, l'écriture de Me Salesse me dépasse quelque peu.

Il s’agit du testament de Pierre Gaston et de son épouse, daté de 1630. Pour vous donner un aperçu de sa vie, voici quelques informations. Pierre est mon ancêtre à la XIIIème génération (sosa n°4326). Il vit à Entraygues (Aveyron). Il est marié à Françoise Mommaton (féminisé en Momatoune ou Mommatonne dans les actes). Il est « hôte » (hôtelier) dans la ville d’Entraygues. Il a eu 6 enfants connus :

- Pierre marié avec Valérie Salveyre
- Bonne mariée avec Guillaume Turland puis Jean Pairat
- Antoine marié avec Hélène Malpel
- Marguerite mariée avec Bernard Brunet
- Pierre marié avec Marguerite Gensac
- Antoinette (mon ancêtre) mariée à Antoine Soulié Laborie

D’après des indications glanées sur internet, il serait décédé avant 1648, date à laquelle sa fille Bonne établit un contrat de (second) mariage. Je n’ai pas eu accès à ce document, l’année en question étant lacunaire aux archives départementales en ligne.

 

J’ai commencé à transcrire ce document, mais Me Salesse ne m’a pas beaucoup aidé dans ce domaine ! Voyez plutôt :




Testament Pierre Gaston, page 1 © AD12

 

Et voici ma transcription partielle :

1

Lan mil six cent trente et le huictieme jour

2

du mois de mai dans la ville dantraygues

3

en rouergue en maison de pierre gaston et

4

françoise mommatonne mariés environ midy

5

regnant [… ?] par la

5

grâce de dieu roy de france et de navarre

7

par devant moy notaire royal de ladite ville et

8

tesmoins bas nommes a esté present

9

en sa personne pierre gaston père au

10

susdit pierre lequel estant dans son lit

11

Dettenu de maladie corporelle touteffois en

12

ses bons sens entendement et parfaite mémoire

13

considerant ni plus certain que

14

La mort ni plus incertain de lheure dicelle

15

[… ?] entre ses enfants

16

[… ?] droit [… ?] ses biens [… ?] presents

17

Et advenir pour raison [… ?] et bonne

18

Fortune quil [… ?] a donné luy donne

19

[… ?] en la forme et

20

manière que sensuit An premier lieu

21

a fait le signe de sainte croix en disant

22

in nomine patrii et filii et

23

et spiritus sancti amen a recommandé son

24

Ame a dieu le père tout puissant a

 


 Testament Pierre Gaston, page 2 © AD12

 

25

La sainte vierge et a tous les saints et

26

du paradis [… ?] amen gloire

27

A dieu [… ?]

28

Paradie veulx ecclésiastique sepulture

29

[… ?] donner son corps y être ensevely

30

au cimetiere de la susdite paroisse de

31

saint georges dudit antraygues au tombeau de ses

32

ses predecesseurs [… ?] et soient fait ses

33

honneurs funebres par sondit heritier

34

bas nomme [… ?] sepulture nommee

35

 

36

 

37

une fois que an au questeur [… ?]

38

a donne cinq sols [… ?] au

39

Luminaire une livre [… ?]

40

Pretre ecclesiastique [… ?]

41

[… ?] a donne et legue [… ?]

42

 

43

sont payables par une fois en an [… ?]

44

 

45

item a legue et donne

46

a jean gaston son

47

fils [… ?] cinq livres

48

payables en an [… ?]

49

payables [… ?] bas

 


 Testament Pierre Gaston, page 3 © AD12

 

50

Nommé [... ?]

51

 

52

[… ?] gaston et mommatonne

53

mariés

54

 

55

 

56

a fait institue de sa propre bouche ladite mommaton

57

Son heritiere [ ?] universelle [… ?] ledit pierre gaston

58

son fils

59

 

60

[… ?] cassant revoquant [… ?]

61

 

62

 

63

Pour forme

64

En de meilleure forme [.. ?] pourra valoir

65

[… ?] cognaisser

66

[… ?] de mort [… ?] ses volontes

67

 

68

 

69

 

70

[… ?] jacques

71

 

72

[… ?] lesdits testateurs nont su signer de

73

Ce enquis [… ?] moidit notaire signer

74

 

Comment j’ai réussi à lire certains mots ? Je n’en sais rien moi-même. Heureusement que certaines formulations propres aux testaments se retrouvent dans tous les documents de ce type ; ça m’a bien aidé. Mais bon, à la fin ça se gâte...

Bien sûr j'ai pu (dû ?) faire des erreurs : n'hésitez pas à me corriger.

 

Bref, toute aide est la bienvenue pour transcrire ce testament en entier !

 

Document accessible sur le site des archives départementales de l'Aveyron, étude de Me Salesse Antoine, Entraygues MN133498 3E10668



vendredi 29 juillet 2022

#52Ancestors - 30 - Noël et Nicolas Germain

Article disponible en podcast !


 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 30 : Des familles, des fratries vivant ensemble ? Des associations insolites dans votre généalogie ?

 

Je compte plusieurs associations familiales dans mon arbre. Je les connais grâce à l’acte fondateur, passé devant notaire. Elles sont appelées société de gains ou communautés. Elles sont toutes fondées par des paysans. Toute sauf une : celle de Noël et son fils Nicolas GERMAIN qui sont marchands. Installés à La Sauvagère (61), ils vivent au début du XVIIème siècle.

La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. Selon les cas, les parties y apportent de l’argent, des biens ou leur « industrie » (leur savoir-faire).

 

En 1643, Noël et son fils passent un accord de ce type devant notaire. « Quelque demeurance, frequentation & residence qu'ilz ayent faitte ensemble par le passé » ils décident désormais de s’associer « tenantz un seul feu, lieu et menage, boivant et mengeant ensemble ».

S’il n’y a pas de convention sur la durée de la société, elle est censée être contractée pour toute la vie des associés. Ici il est précisé qu’elle durera « tant qu'il plaira à Dieu les y maintenir ».

Noël et Nicolas attestent n’avoir acquis aucune autre société ou communauté de biens meubles en dehors de celle-ci.

Il est prévu que chacun d'eux jouira et disposera de ses biens, sans que l'un soit tenu de répondre des faits de l'autre ni de leurs « debtes, negosses et affaires ». C’est ici que l’on voit apparaître la nature de l’activité des Germain : ils font du négoce.

Pendant toute la durée de la communauté, Noël le père s’engage à ne « pretendre ny demander aucune chose, part ny portion aux biens meubles, mortz et vifz ». Les biens morts sont les biens qui ne peuvent se déplacer seuls (comme une table) ; les biens vifs, eux, se déplacent seuls (comme les animaux domestiques).

Sont également comprises dans l’accord les « espesses de marchandises apartenant audit Nicollas, de quelque qualité ou essence que ce soit, durant leur communauté en leur ditte maison ». Malheureusement le texte ne dit pas la nature des marchandises que vendent les Germain.

Ainsi que la « somme promise lors de son mariage et de son bon menage [par] ledit noel germain ».

En bref, le père ne pourra pas faire main basse sur l’apport du fils, meubles ou marchandises, ni sur sa dot.

Par contre, il est probable que chaque associé puisse se servir des choses appartenant à la société, pourvu qu’il les emploie à leur destination fixée par l’usage, car il n’y a pas de mention contraire dans le texte.

Noël reconnaît que son fils « a quitté la demeure et résidence qu’ils faisaient  personnellement luy et sa femme […] pour aller demeurer et resider aveq sondit père ».

On l’a vu, la société durera tant qu’il plaise à Dieu. Néanmoins, si l’un ou l’autre désire « dissoudre ladite communauté il pourra emporter ses meubles et marchandises » sans rien devoir à l’autre. Cette dissolution n’est possible que dans les sociétés illimitées dans le temps et à condition qu’elle ne porte pas tord à la société (en d’autres termes que l’associé qui souhaite la dissolution ne le fasse pas pour s’enrichir sur le dos des autres associés).

Il n’est rien stipulé concernant les épouses ou les héritiers des associés. Dans ce cas, ils ne sont pas considérés comme associés à part entière et n'auront droit qu’au partage de la société et de ses gains au moment du décès de l'un des associés. Pour faire partie intégrante de la société, ils devront passer un nouvel acte devant notaire.

Le notaire fait signer l’acte aux associés et à leurs témoins (bien sûr, l’acte se fait devant témoins). Comme le père et le fils ne savent pas signer, il leur fait mettre « leur marque ». Ce n’est pas n’importe quelle marque car elles sont uniques et propres à chaque individus (c’est d’ailleurs comme ça que je reconnaîtrais les Germain au fils des ans et des actes).

Marques de Noël et de Nicolas Germain, 1643 © AD61

On notera que l’on peut très bien être marchand sans savoir lire, compter suffit bien (ce n’est pas la première fois que je rencontre ce phénomène).

 

 

vendredi 22 juillet 2022

#52Ancestors - 29 - Benoît Astié

 

- Challenge #52Ancestors : un article par semaine et par ancêtre -

Semaine 29 : Votre généalogie côté insolite

 

En 1910, alors que les Parisien se remettent de la crue centennale, dans la banlieue le mal rôde !

L’affaire est rendue publique par un article du 17 novembre 1910 paru dans le Petit Parisien. Il est intitulé « la caverne des huit voleurs ». A Ivry depuis plusieurs jours ce n’est « que déprédations et larcins ». Leurs auteurs étaient recherchés, en vain. Quand enfin une descente de police « dans une cabane » s’élevant « non loin du fort d’Ivry, dans un terrain vague » fit main basse sur les truands. « Ils étaient huit ».

« Ces garnements », venus d’horizons divers, réunis par le goût du crime, s’y étaient « construit un repaire ». Pour cela, ils n’avaient pas hésité à dévaliser « les entrepôts de bois – emportant madriers et planches » et ériger, « en quelques jours », leur cabane.

Immédiatement ces brigands furent envoyés au dépôt. 


« Ce sont :

  • René Fabreguette, dessinateur, sans domicile,
  • Charles Lisseau, domicilié place Bernard Palissy, à Ivry,
  • Jacques Favier,
  • Alexandre Ungeman, maçon
  • Georges Royer, couvreur, tous deux habitant avenue des écoles à Vitry,
  • Benoît Astier, maçon, rue Raspail, à Ivry,
  • Gustave Aveline, 25 rue Parmentier, également à Ivry,

Le plus âgé de ces malfaiteurs a vingt ans et le plus jeune dix sept. »

Article paru dans Le Petit Parisien du 17 novembre 1910, puis La Lanterne du 19 et Le Parisien du 24.

On notera que la presse ne cite que 7 des ces « 8 voleurs ».

 

Oups ! Benoît Astier ?!

Son nom est orthographié Astier et non Astié, mais c’est bien tonton Benoît !

Et c’est ainsi que j’ai découvert que mon tonton était un brigand. Enfin, quand je dis tonton c’était en fait le petit frère de mon arrière-grand-père.

Tonton Benoît était donc un brigand. Un vaurien. Un gredin.

 

Fils d’Augustin et Cécile Rols, Benoît est né en 1892. Son père, journalier, passa sa vie à chercher un emploi suffisant pour nourrir les siens. C’est ainsi qu’il quitta son Anjou natal pour se rendre (à pieds, dit la légende familiale) en région parisienne. Après avoir trouvé du travail et un domicile, rue Raspail, à Ivry, il fit venir toute sa famille. Benoît, lui, devint garçon maçon. Il était de taille moyenne (1,62 m), avait les cheveux châtains foncés, les yeux marron, le nez rectiligne, le visage ovale. Il savait juste lire et écrire. Au moment des faits il avait 18 ans.

 

Et, de toute évidence, il avait de mauvaises fréquentations. J’ai pu retracer les parcours de ces « malfaiteurs » :

  • René Fabreguette, le dessinateur sans domicile, était âgé de 20 ans. C’est le plus âgé de la bande. Né à Neuilly s/Seine, il était plus précisément « dessinateur en affiches ». Mesurant 1,73 m, il se distinguait par une cicatrice à la joue gauche, sans doute un souvenir de son passé tumultueux. En effet en mai 1910 il avait déjà été condamné par le tribunal de la Seine à 4 mois de prison. Il n’a pas perdu de temps : sorti en septembre, à nouveau condamné en décembre !
  • Charles Lisseau, le second gangster, étaient deux ans plus jeune. Né lui aussi en banlieue parisienne, à Saint-Ouen, au Nord de Paris. Il était journalier. Lui aussi avait une cicatrice, à la gorge, mais elle serait d’origine médicale, trace d’une ancienne opération.
  • Jacques Favier était originaire de Seine et Marne. Âgé au moment des faits de 13 ans seulement (donc plus jeune que ce qu’indiquait la presse). Plutôt grand (1,79 m), il était garagiste.
  • Alexandre Ungeman était maçon. Il demeurait avenue des écoles à Vitry. C’est le seul que je n’ai pas retrouvé : sans doute son patronyme a subi quelques dommages lors de son passage dans la presse…
  • Georges Royer, couvreur, habitait lui aussi avenue des écoles à Ivry. Il avait 16 ans*.
  • Gustave Aveline s’appelait en fait Gustave Edeline. Originaire d’Ivry, il était journalier, avait 19 ans.

 

Comment se sont-ils rencontrés ? Ils sont de la même génération, habitent des villes voisines. Plusieurs d’entre eux sont du bâtiment (maçons, couvreur, journaliers) : peut-être se sont-ils connus sur un chantier ?

 

Et qu’en est-il de l’affaire des 8 voleurs ? Je n’ai pas trouvé trace d’un procès, mais plusieurs de nos vauriens ont été condamnés en décembre 1910 :

  • René Fabreguettes a eu 3 mois pour vol et vagabondage.
  • Charles Lisseau a été condamné à la même date à 3 mois avec sursis pour « vol, vol de récolte et vagabondage ». Récidiviste, il est à nouveau condamné pour vol à 4 mois de prison ferme en janvier 1913.
  • Jacques Favier, malgré de brillants états de service à l’armée, n’a pas perdu ses mauvaises habitudes de jeunesse : en 1957 il est condamné par le tribunal de la Seine à 15 000 francs d’amende pour vol (peine aggravée par ses deux condamnations antérieures : je n’ai pas de détails sur celles-ci, mais peut-être que l’affaire de 1910 en fait partie).
  • Gustave Edeline a été condamné à 3 mois de prison pour vol.

Ces peines sont sans doute la suite de notre affaire.

 

L’édition du 23 novembre 1910 du Petit Parisien revient sur l’affaire :

« Le jeune Benoît Astié, compromis dernièrement dans l’affaire que nous avons racontée sous le titre "la caverne des huit voleurs" n’a pas été envoyé au dépôt. Sa culpabilité en la circonstance n’ayant pas été démontrée, il a été remis en liberté par M. Carré, ainsi que trois autres des individus arrêtés. »

 

Tonton Benoit n’est donc pas passé par la case prison et n’a pas été condamné en décembre 1910. Cependant, lors de son intégration dans l’armée, en 1913, il fut envoyé dans un Bataillon d’Afrique, histoire de le mater. Les « bat d’af » recevaient les civils ayant un casier judiciaire non vierge ou recyclaient les militaires condamnés à des peines correctionnelles.

 

Mais ni l’histoire des « huit voleurs » en 1910, ni son affectation « disciplinaire » à l’armée n’ont assagi le tonton brigand, comme son casier le prouve :

  • Condamnation le 23 juin 1911 par le tribunal de la Seine à deux mois de prison pour vol.
  • Condamné par le conseil de guerre de Tunis le 11 août 1914, coupable d'abandon de poste étant de garde, à un mois de prison.
  • Condamné à nouveau le 4 février 1916 par le conseil de guerre de Tunis à un mois de prison, coupable d'avoir volontairement porté des coups et blessures sur la personne du chasseur Vasse.

 Tonton Benoît était un brigand !

Il reste cependant - aussi - un brave soldat, ayant obtenu la médaille coloniale avec agrafe "Tunisie" en 1917. Blessé une première fois en 1915, il est finalement tué sur le champ de bataille le 5 avril 1918 à Cantigny (Somme) – Mort pour la France. Sa sépulture est à la nécropole nationale de Montdidier.

 

 

* Si c’est bien lui : un léger doute subsiste.