La tante Paulette fait partie de ces ancêtres du XXème siècle : tout le monde s’en souvient (un peu) mais l’a oubliée (un peu). On sait qu’elle a existé, mais on ignore quand elle s’est mariée, où elle est décédée, etc… Absorbée par ce fameux « trou noir de la généalogie » : les archives ne sont pas forcément accessibles et cela devient difficile de combler les trous de mémoire. Dans toutes les familles il doit y avoir une tante Paulette. Mais comment la retrouver ?
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Ma tante Paulette à moi est la « tante Paulette » de tout le monde dans la famille, quelque soit la génération à laquelle on appartient. En vrai c’est la tante de mon grand-père, mais tous ceux qui sont arrivés après lui ont continué à l’appeler la « tante » même si elle n’avait plus vraiment ce rang par rapport à eux dans l’arbre généalogique.
Création officielle de sa fiche dans mon logiciel de généalogie. Apparue tardivement par rapport à ses frères et sœurs, sans doute parce que je n’avais pas d’information concrète sur elle.
En effet, ma tante Paulette, je la cherche depuis longtemps (avant 2016, pour sûr !). Je suis bien obligée de croire la mémoire familiale quand on me dit qu’elle a vécu et s’est marié avec un certain Camille, car ledit Camille est le parrain de ma mère. Ces choses-là on s’en rappelle.
Après le décès de ma grand-mère j’ai hérité de photos et de lettres de la tante Paulette (c’est sans doute ce qui a provoqué la création de sa fiche sur mon logiciel). Mais c’est bien peu.
J’entreprends des recherches plus approfondies pour trouver la tante Paulette. Toute la famille de la tante est originaire de Seine et Marne. Mais elle déménage souvent : je fais des sauts de puce d’une commune à l’autre pour tenter de débusquer Paulette. En vain.
La tante Paulette disparaît comme une silhouette sur une photo trop ancienne.
Une carte qu’elle a écrite à mon arrière-grand-mère où elle dit « ma petite sœur » me laisse penser qu’elle est l’aînée de la fratrie. Mais le mariage des parents et les naissances de leurs enfants se suivent à un rythme si serré qu’il est difficile d’y caser une tante, même si d’aventure j’avais manqué une commune de résidence : mariage en 1900, premier-né en 1901 et déjà mon arrière-grand-mère Marcelle en 1902. Et les autres encore après : 1905, 1906, 1908, 1909, 1910.
Les registres en ligne, qui m’ont permis de progresser tant ces dernières années (recensements, naissances de la fratrie…) s’arrêtent là. Est-ce que « ma petite sœur » est simplement un nom affectueux qu’elle lui donne, bien qu’elle soit la cadette et non l’aînée ?
Régulièrement je vais voir sur le site des archives départementales si la ligne du temps n’a pas évolué : une nouvelle campagne de numérisation des actes d’état civil ? De nouveaux documents ? Mais non. La tante Paulette sait se faire désirer.
Sans compter que la mémoire familiale est capricieuse : on situe la tante tantôt à Saint-Ouen (Val d’Oise) ou peut-être Enghien (idem) tantôt dans le Sud. Le Sud ! Comment trouver un ancêtre dans « le Sud » ! Trop vaste, le Sud.
La tante brûle sous le soleil et moi je me consume dans mon brouillard.
Un rebond, un frémissement.
L’INSEE met en ligne les décès de 1970 à nos jours. Je tente ma chance : une Paulette Henriette sort du chapeau. Pas assez d’informations pour prouver que c’est bien elle, mais pas assez non plus pour affirmer le contraire. Et surtout une surprise de taille : cette Paulette-là est née en 1912 ! Adieu droit d’aînesse ! Mais les registres de 1912 ne sont pas en ligne.
Je fais une demande d’acte de naissance auprès des services publics en ligne pour prouver que c’est bien « ma » tante Paulette. Les jours passent. En attendant je contemple l’année de décès : 2008. Est-ce que je la cherchais déjà en 2008 ? Peut-être. Est-ce que j’aurais pu la contacter si j’avais su qu’elle vivait encore ? Pas sûr qu’elle m’aurait aidée si j’en crois son caractère décrit comme « un peu difficile ».
Et où est-elle décédée cette Paulette-là ? A Broons (Côtes d’Armor) ! A moins de 50 km de Loudéac où sa mère est née avant d’immigrer en région parisienne. Les hasards de la vie, quand même… Bien sûr, aucune chance que j’aille la chercher par-là.Il faudra que je tente de savoir ce qu'elle faisait en Bretagne, mais d'abord je dois prouver que c'est bien elle.
J’attends toujours l’acte demandé, mais c’est maintenant les fêtes… Patience.
Je me replie alors sur Camille, son époux. Il n’apparaît pas dans les relevés de l’INSEE. Je me rappelle une mention sibylline dans les papiers de famille, « sépulture de l'oncle Camille de juin 1949 », sans plus de détail. C’est pour cela qu’il n’apparaît pas dans les relevés de l’INSEE : ils ne commencent qu’en 1970.
Son fils unique n'apparaît non plus. Peut-être est-il encore vivant ? La famille fantôme…
Les jours passent à nouveau… J’ai peur que la piste se refroidisse, mais un autre rebondissement la garde tiède. Les archives de Paris mettent en ligne les fichiers des électeurs de Paris et du département de la Seine (c'est-à-dire Paris et plusieurs actuels départements limitrophes) pour la période 1860/1939. Pas question d’y trouver Paulette, qui n’est qu’une femme et n’a pas besoin de voter, mais Camille ?
Je trouve bien un « Camille Marie » domicilié à Saint-Ouen, rue des Rosiers, en 1938. Je veux confirmer que c’est bien « mon » Camille, mais dans le dernier recensement mis en ligne, daté de 1931, je ne trouve pas de rue des Rosiers : la rue était une impasse ! Banlieues nouvelles, rues nouvelles.
Et comme on n’est pas avare de surprises dans la famille, ce Camille-ci est né… au Mans (Sarthe). Mais est-ce bien lui ? Le Mans ! Je ne l’avait pas vu venir celle-là ! Cette fois je passe par le Fil d’Ariane, en insistant lourdement sur les mentions marginales car ce sont elles qui me diront si c’est « mon » Camille.
J’attends toujours Paulette, mais Camille arrive dans ma boîte aux lettres (et encore merci aux bénévoles du Fil d’Ariane de la Sarthe, plus rapides que les services officiels de l’administration). Mentions marginales : date et lieu de mariage (1937 à Saint-Ouen) avec la fameuse Paulette Henriette ; date et lieu de décès (1949 à Saint-Ouen) !
C’est bien mon Camille. C’est donc sans doute possible ma Paulette. Il ne me reste plus que la copie de l’acte de naissance pour le prouver.
L’acte de naissance demandé il y a un mois ne m’est toujours pas parvenu. J’appelle donc la mairie concernée qui me dit qu’il ne faut pas passer par ce service, mais demander directement chez eux, avec une copie de ma pièce d’identité en pièce jointe (sic). Je m’exécute aussitôt.
Toujours rien au courrier. Je n’ai plus guère de doute, grâce à l’INSEE et aux listes électorales, saupoudrés d’un peu d’entraide, j’ai sans doute débloqué une épine généalogique de plusieurs années.
L'acte de décès de la Paulette Henriette arrive dans ma boîte aux lettres :
Paulette Henriette, tante par procuration trans-générationnelle, est enfin officialisée !
Mise à jour 31 janvier 2020 : l'acte de naissance de Paulette arrive dans ma boîte aux lettres... et surprise elle a été mariée quatre fois ! Cachotière la tantine. De nouvelles recherches en perspectives...